Powell ne contredit pas le marché
Hier, le président de la Fed, Jerome Powell, s’est exprimé à Dallas. Une semaine après une décision de politique et dans un contexte politique compliqué pour la Fed, on s’attendait à ce qu’il adopte un ton neutre. C'est ce qu'il a fait, mais en ajoutant des inflexions qu'il aurait pu éviter. Et cela n'a pas échappé au marché.
Cet été, la Fed a surtout porté son attention sur la nécessité d'éviter un affaiblissement inutile du marché du travail. L’inflation reste supérieure à l’objectif de 2 %, mais montre suffisamment de signes d'amélioration pour justifier l'abandon progressif de la politique monétaire restrictive. La première baisse de 50 points de base (bp) avait donné un signal fort en ce sens, nourrissant les spéculations d'un assouplissement plus rapide et plus intense. Mais ces attentes ont ensuite été rapidement atténuées par la vigueur persistante du marché du travail et de la consommation. À cela s’est ajoutée la hausse des taux d’intérêt provoquée par le « Trump trade ». Dans ce contexte monétaire déjà plus serré, il est frappant de constater que Powell a surtout insisté sur la vigueur inattendue de l’économie. Le retour de l’inflation (de base) à 2 % est relativement lent et ne suit pas une trajectoire linéaire. Powell en est même arrivé à une conclusion sans équivoque : l'économie ne donne aucun signal qui pousserait la Fed à se précipiter dans ses baisses de taux. Celle-ci a tout le temps de réfléchir à la marche à suivre. La prudence est également de mise à l’heure où la Fed se rapproche du taux neutre (taux qui ne stimule ni ne freine l’économie), d’autant plus qu’il reste beaucoup d’incertitude quant au niveau « exact » de ce taux neutre.
Il est clair que l’accent ne sera, au moins temporairement, plus mis sur le soutien de la croissance. L’inflation pèse de nouveau relativement plus dans la balance. Surtout après la récente forte hausse des taux, déjà un resserrement des conditions monétaires en soi, Powell aurait pu se dispenser de sa conclusion sur l'absence de précipitation. Ce qu'il n'a pas fait. Une manière implicite d'approuver ce rebond des taux. Entre-temps, le marché n’évalue plus qu'à 60 % la probabilité d’une réduction de 25 pb en décembre. Et pour 2025, à peine deux assouplissements supplémentaires de 25 pb sont anticipés (3,875 %). La semaine dernière, Powell a déclaré ne pas vouloir anticiper les nouvelles prévisions de décembre. En septembre, le taux directeur était attendu à 3,375 % pour fin 2025. Ici aussi, le président de la Fed ne s’oppose clairement pas au positionnement beaucoup plus strict du marché. Peut-être que cela lui convient aussi d'un point de vue « tactique ». Powell a répété que la Fed n’essayait pas d’anticiper l’impact des mesures de la nouvelle administration américaine, mais un point de départ relativement restrictif pourrait donner une certaine marge de confort dans un débat avec Trump qui, un jour ou l'autre, deviendra inévitable.
Qu'est-ce que cela signifie pour les marchés ? Avant le discours, quelques signes timides indiquaient que la hausse des taux d'intérêt aux États-Unis était sur le point de s'interrompre. Un premier test grandeur nature aura lieu tout à l'heure avec les ventes au détail. De nouveaux chiffres solides limiteraient la possibilité d'une telle correction. Si les taux d’intérêt à court terme continuent de grimper par rapport aux niveaux actuels, le scénario d’une pause rapide et de longue durée (ou d’un relèvement des taux) pourrait alors doucement se profiler. Nous n'irons pas jusque là. Ce matin, le dollar a légèrement corrigé. Probablement des prises de bénéfices à la veille du week-end. Dans un contexte d’incertitude généralisée et de politique toujours restrictive de la Fed, les éventuelles corrections du dollar US devraient rester limitées. À court terme, la tendance du billet vert demeure, jusqu'à nouvel ordre, haussière.