Aleš Michl, président de la CNB : un homme avec une vision
Passée relativement inaperçue la semaine dernière à cause des élections américaines et des réunions d'autres plus grandes institutions (Réserve fédérale américaine et Banque d’Angleterre), la réunion de la banque centrale tchèque (CNB) mérite que l'on s'y attarde, tant sur le plan de la situation dans le pays que, de manière plus générale, sur le plan monétaire.
La CNB a, comme prévu, relevé son taux directeur de 25 points de base (pb), à 0,50 %. Au cours du premier semestre, elle a démantelé sa politique restrictive (plus haut à 7 %) à un rythme soutenu, à coups d'interventions de 50 pb. Depuis l’été, elle est passée en mode ajustements (25 pb). L’inflation a touché à plusieurs reprises l’objectif de 2 %, mais elle est récemment repartie à la hausse à 2,8 % en glissement annuel (octobre), en partie à cause de facteurs techniques et de la hausse des prix de l'alimentation. À la fin de l’année, elle pourrait dépasser 3 %. Dans ses nouvelles prévisions, la banque centrale mise cependant toujours sur un nouveau ralentissement l’année prochaine et un retour à 2 % en 2026. Le fait de continuer à abaisser prudemment les taux ne constitue donc pas un problème en soi. À 4 %, la politique reste en effet restrictive/au-dessus du taux neutre (+/- 3,5 %). La reprise de la croissance est restée modérée jusqu'à présent (1 % attendu pour cette année). La CNB espère une amélioration à 2,4 % l’année prochaine. Fidèle à sa nature orthodoxe, la banque a répété que la balance des risques continuait de pencher vers des risques d’inflation à la hausse. Elle suivra la suite des événements de près et pourra interrompre ou arrêter le cycle d’assouplissement à tout moment. Le marché est resté indifférent dans un premier temps. Les taux ont même suivi le mouvement baissier observé dans l’UEM dans le sillage des élections américaines.
Le président Michl a ensuite estimé qu’il était temps de mettre les points sur les « i » et s'est fendu d'une analyse surprenante vendredi. Pour les 10 (!) prochaines années, les taux d’intérêt devront être plus élevés qu’avant la Covid. Les injections massives de liquidités de la dernière décennie continuent de produire leurs effets sur l’inflation sous-jacente. À cet égard, Michl affirme que l’inflation de base devrait être légèrement inférieure à 2 %. Mais nous n'y sommes pas encore (inflation de base de 2,4 % et baisse très lente). La politique budgétaire devrait aussi faire sa part et ne pas stimuler la demande de manière incontrôlée. Le spectre des droits de douane de l’administration Trump, qui plane au-dessus de l'industrie automobile (importante pour la Tchéquie), ne constitue pas selon Michl une raison suffisante pour modifier son analyse dans l'immédiat. La probabilité d’une pause prolongée en décembre et/ou février augmente.
L’analyse orthodoxe traditionnelle de la CNB ne fait pas l'unanimité (la BCE ne la partage pas, par exemple). D’autres pourraient toutefois aussi être confrontés à une problématique similaire dans un avenir pas trop lointain. Dans le nouveau contexte (tensions commerciales qui pèsent sur la croissance, mesures visant à rendre l’économie plus indépendante, nécessité d’augmenter les dépenses de défense), la politique budgétaire se trouve de nouveau de plus en plus au centre des attentions. Cela a un coût, tant au niveau de l'inflation qu'au niveau des primes de risque (budgétaire). Des pays comme la République tchèque (et plus encore la Hongrie) ne savent que trop bien à quel point des primes de risque plus élevées limitent via la devise la marge de manœuvre de la politique monétaire. Si la couronne se déprécie et passe au-dessus de la zone de EUR/CZK 25,50/60, cela marquera probablement la fin (provisoire ?) des baisses de taux de la CNB. Les cartes de l’ère Trump sont défavorables. Pour une zone économique plus vaste comme l’UEM, la situation est certes un peu différente. Mais de quelle marge de manœuvre la BCE disposera-t-elle pour abaisser ses taux si le cours EUR/USD continue de s’affaiblir au même rythme que ces derniers temps, par exemple vers la parité ? Le débat va probablement se poursuivre. En République tchèque et ailleurs.