Perspectives économiques juin 2019

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À la une

  • L'humeur des chefs d'entreprises s'assombrit de par le monde. Les dernières enquêtes révèlent que les entrepreneurs américains suivent également le mouvement. L'escalade des conflits commerciaux et la crainte grandissante d'un ralentissement brutal de la croissance économique sont les principaux facteurs à l'origine de ce pessimisme croissant. L'érosion de la confiance des entrepreneurs se concentre principalement dans l'industrie manufacturière. Elle confirme notre vision selon laquelle la hausse notable du PIB au premier trimestre 2019 était de nature temporaire.
  • Les banques centrales réagissent avec prudence face à l'intensification des risques et à la perspective d'un monde caractérisé par un essoufflement de la croissance et une faible inflation. La Banque centrale européenne (BCE) a laissé entendre que les taux se maintiendront à un bas niveau plus longtemps que prévu dans la zone euro. L'inflation reste bien en deçà de l'objectif à moyen terme et tout porte à croire que la croissance réduira la voilure sur fond d'intensification des risques. La BCE devrait par conséquent laisser son taux directeur inchangé cette année et en 2020.
  • La Banque centrale américaine (Fed) devrait également réagir à l'essoufflement de la dynamique économique. Elle devrait selon nous abaisser son taux directeur à 1,875% d'ici fin 2019, afin de compenser un nouvel affaiblissement de la croissance et de stimuler l'inflation, qui se situe en ce moment légèrement en dessous de l'objectif symétrique de 2%. La Fed ne devrait pas procéder à d'autres abaissements de taux en 2020, sauf en cas de nouvelle dégradation du contexte économique. Elle rechigne en général à modifier sa politique pendant les campagnes électorales présidentielles.
  • La crainte d'une forte détérioration du climat économique a également gagné les marchés financiers ces dernières semaines. Elle a entraîné une nouvelle chute des taux à long terme, de mauvaises performances sur les marchés d'actions et une baisse des prévisions d'inflation. Le taux des emprunts publics allemands à dix ans devrait se maintenir au niveau actuel de -20 points de base jusqu'à fin 2019, vu que la BCE ne devrait pas resserrer la vis monétaire dans le futur proche. En outre, les abondantes liquidités sur les marchés financiers comprimeront la prime incluse dans les taux à long terme. Les taux longs américains pourraient encore baisser, étant donné la conviction des marchés selon laquelle la Fed abaissera rapidement son taux directeur à plusieurs reprises.

Contexte international

Ralentissement de la croissance au deuxième trimestre

L'humeur des chefs d'entreprises s'assombrit de par le monde. Les derniers baromètres de confiance des directeurs d'achats (PMI) font également état d'une baisse de moral des entrepreneurs américains, alimentée par l'escalade des conflits commerciaux et la crainte grandissante d'un ralentissement brutal de la croissance économique. L'érosion de la confiance des entrepreneurs se concentre principalement dans l'industrie manufacturière. Elle confirme notre vision selon laquelle la hausse notable du PIB au premier trimestre 2019 était de nature temporaire. 

Les économies développées, parmi lesquelles les États-Unis, la zone euro et le Royaume-Uni, se sont distinguées par une hausse notable du PIB au premier trimestre, offrant un contraste frappant avec le repli des indicateurs avancés (confiance des entrepreneurs,...) au cours des mois précédents. Les indicateurs avancés se sont encore affaiblis récemment. Malgré le désarrimage entre les indicateurs économiques 'durs' et les indicateurs de confiance 'doux', une décélération de la croissance du PIB est plus probable qu'une accélération au deuxième trimestre.
L'économie américaine devrait ainsi afficher une croissance nettement inférieure aux 3,1% enregistrés au premier trimestre (en base annuelle). Au deuxième trimestre, la croissance devrait tomber en deçà de la croissance potentielle du PIB, actuellement estimée à 2%. Un timide redressement est attendu au deuxième semestre, ce qui débouche sur une croissance de 2,5% pour l'ensemble de l'année 2019. La croissance réduira encore la voilure en 2020, pour s'inscrire à 1,7%. Le cycle de croissance touche à sa fin aux États-Unis. En outre, le ralentissement est également exacerbé par la dissipation des effets des incitants budgétaires et les perturbations causées par la guerre commerciale (voir encadré 1).

Encadré 1 - Conflit commercial: le risque d’escalade s’intensifie

Les récents développements font craindre une escalade du conflit commercial. Il est désormais très probable que les dissensions qui opposent les Etats-Unis à la Chine, et qui se ravivent à intervalles réguliers, s’éternisent. Donald Trump va vraisemblablement mettre à exécution sa menace de taxer les produits chinois importés que la mesure ne frappait pas encore. La valeur des marchandises concernées tourne autour de 300 milliards de dollars. La mise à l’index de Huawei par les Etats-Unis symbolise du reste bien cette escalade, qui se mue désormais en une guerre technologique entre les deux superpuissances (voir également l’Opinion économique de KBC du 3 juin 2019). L’affrontement va durer des années encore et peser sur les perspectives de croissance des Etats-Unis, de la Chine et de l’économie mondiale en général. 

Donald Trump durcit par ailleurs sa position à l’égard d’autres partenaires commerciaux encore, comme l’Inde et la Turquie - il est revenu sur une série de concessions faites à l’Inde et a arrêté de nouvelles mesures contre la Turquie. En revanche, satisfait de l’accord conclu à propos de la limitation de la migration, il n’a pas mis à exécution sa menace d’instaurer des droits sur les marchandises importées du Mexique. Reste que ce précédent fait craindre que d’autres partenaires commerciaux des Etats-Unis soient menacés eux aussi. En évoquant la possibilité de sanctions pour arracher des concessions dans d’autres domaines, comme la migration, l’occupant de la Maison-Blanche montre qu’il est disposé à utiliser le commerce comme arme de négociation. Le risque de voir les États-Unis instaurer des taxes à l’importation sur les voitures (européennes) s’est donc, une nouvelle fois, intensifié. Notre scénario de base n’en tient toutefois pas encore compte.

Dans la zone euro, le redémarrage de la croissance au premier trimestre (à 0,4% en base trimestrielle) a été temporaire. Un ralentissement de la croissance est probable au deuxième trimestre. La croissance reprendra du poil de la bête aux troisième et quatrième trimestres, mais renouera ensuite avec une faible tendance baissière. Les indicateurs de l'industrie manufacturière, comme la production industrielle, montrent seulement un timide redressement après le récent passage à vide (figure 1). La probabilité d'un net rebond de l'économie est faible dans la zone euro.

Figure 1 – La production industrielle démarre le deuxième trimestre sur un mode atone (variation à un an de l'indice de volume de la production industrielle, en pour cent)

Source: KBC Economics, sur la base de Destatis & Eurostat

L'industrie allemande a également des soucis à se faire. Même si les exportations allemandes tiennent bon, les secteurs qui sont très tributaires du commerce mondial voient leurs performances diminuer, ce qui semble à présent se traduire par une baisse de confiance des consommateurs.

Compte tenu de ces facteurs, nous avons abaissé notre prévision de croissance de 1,2% à 1,0% pour la zone euro en 2019. Nous prévoyons un léger sursaut à 1,3% en 2020, contre 1,2% avancé le mois dernier. Une reprise plus vigoureuse n'est pas attendue étant donné les risques que comporte le contexte externe en ce moment.

Des taux directeurs plancher...

Les banques centrales réagissent avec circonspection aux risques accrus et à la perspective d'un monde marqué par une croissance économique en berne et une inflation basse. À l'issue de sa dernière réunion, la Banque centrale européenne (BCE) a fait savoir que les taux dans la zone euro resteraient bas plus longtemps que prévu, à savoir jusque mi-2020 au moins, en lieu et place de fin 2019.

Autre moment fort de sa déclaration : le fait qu'elle se tienne prête à assouplir à nouveau sa politique en cas de besoin. Notons encore que même si la BCE voit les risques s'intensifier, elle estime qu'ils n'ont pas encore détérioré notablement la réalité économique. Par rapport à ses prévisions d'il y a trois mois, l'institution de Francfort a légèrement relevé ses prévisions de croissance et d'inflation pour 2019 et n'annonce qu'une légère baisse de ses perspectives pour 2020 et 2021. La BCE a gardé sa poudre au sec sur fond d'estimation modérément positive de la situation économique d'une part, mais de risques nettement accrus d'autre part. Dans le même temps, elle entend convaincre les marchés financiers qu'elle dispose de munitions en suffisance dans son arsenal monétaire, munitions dont elle souhaite et peut se servir (voir encadré 2).

Encadré 2 – La BCE doit-elle activer une politique de relance budgétaire?

Il faut surtout retenir du commentaire formulé par Mario Draghi à la sortie de la réunion de politique monétaire du mois de juin, que l’institution a conscience de l’aggravation des risques qui menacent l’économie, ce qui l’incite à différer une nouvelle fois tout relèvement de taux. Si ces risques devaient s’intensifier et les perspectives économiques, s’assombrir, la BCE serait disposée à assouplir à nouveau sa politique, a affirmé son président. Reste que l’on comprend, à la lecture de ses autres commentaires, que la Banque centrale ne dispose, dans des domaines importants, que d’une marge de manœuvre restreinte.

Citons, à cet égard, la rentabilité du secteur bancaire, que sont venus grever un nouvel abaissement des taux de dépôt et leur maintien, pour longtemps, au niveau désormais atteint. L’affaiblissement de la rentabilité des banques pourrait restreindre leur capacité à accorder des crédits, ce qui mettrait à son tour en péril la transmission de la politique monétaire de la BCE vers l’économie réelle.

Le superbanquier affirme toutefois que la BCE n’a, l’un dans l’autre, pas encore constaté l’existence de répercussions de la situation sur l’octroi de crédits. Il n’en a pas moins précisé, lors de la conférence de presse explicative, que la BCE allait continuer à “surveiller de près le canal de transmission de la politique monétaire (...) et les arguments en faveur de mesures d'atténuation”, ce qui pourrait signifier que les taux de dépôt sont d’ores et déjà proches, voire très proches, du niveau minimum possible, et qu’il ne sera pas simple de les y maintenir.

Notons également que l’ex-gouverneur de la Banque d'Italie a admis qu’à elle seule, la politique de la BCE ne suffirait peut-être pas à compenser les répercussions du net ralentissement de l’économie. Il a ajouté que la mise en œuvre de la politique de relance budgétaire pourrait devoir être envisagée - ce qui constituerait une volte-face radicale dans la position de la BCE - et que son rôle serait fondamental. Certes, Mario Draghi a précisé que la Banque centrale ne prendrait une telle décision que si les circonstances l'y contraignaient. Mais si l’institution optait pour une politique budgétaire plus accommodante, il s’agirait d’un revirement majeur susceptible d’avoir, à moyen terme, une incidence importante sur l’évolution des taux. Cela viendrait par ailleurs corroborer les réflexions d’un certain nombre d’experts à propos d'un rôle plus nuancé de la politique de relance, comme celles qu'a exprimées Olivier Blanchard lors de son discours devant l’American Economic Association, au début de cette année.

Dans un contexte d'inflation nettement inférieure à l'objectif à moyen terme (figure 2), et dans la perspective d'une croissance économique ralentie et marquée par des risques accrus, la BCE devrait maintenir son taux directeur inchangé, tant cette année que l'an prochain. Le premier relèvement traduira plutôt une correction technique que le début d'un cycle haussier. La correction doit avant tout gommer le taux de dépôt négatif. Si les risques tournent plus mal que prévu dans notre scénario de base, la BCE envisagera sans doute un nouvel assouplissement de sa politique (abaissement du taux directeur, lancement d'un nouveau programme de rachat de titres, etc.).

Figure 2 – L'inflation dans la zone euro demeure inférieure à l'objectif (variation à un an de l'indice des prix à la consommation harmonisé)

Source: KBC Economics, sur la base des chiffres d'Eurostat

La Banque centrale américaine (Fed) devrait également réagir à l'affaiblissement de la dynamique économique, et va sans doute abaisser son taux directeur en deux étapes, jusqu'à 1,875% d'ici fin 2019. Elle contrebalancerait ainsi un nouveau ralentissement de la croissance et pourrait donner un coup de pouce à l'inflation, qui reste légèrement inférieure à l 'objectif symétrique de 2%.

La Fed ne prévoit pas d'abaisser encore le taux en 2020, à condition que l'économie ne se dégrade pas davantage. Il faut dire qu'elle est généralement peu encline à modifier sa politique durant les campagnes des élections présidentielles dans la mesure où son intervention pourrait être interprétée comme un geste politique. Nos prédictions concernant l'abaissement du taux de la Fed vont donc moins loin que les prévisions actuelles des marchés financiers (quatre baisses de taux de 25 points de base chacun).

… et des taux à long terme bas

La crainte d'une dégradation plus sérieuse du climat économique a également laissé des traces sur les marchés financiers ces dernières semaines : nouvelle baisse notable des taux à long terme, piètres résultats sur les marchés d'actions et recul des prévisions inflationnistes. Le taux des emprunts d'État allemands à dix ans devrait continuer d'osciller autour du niveau actuel (-20 points de base) jusqu'à la fin de 2019. Une anticipation qui montre que la BCE ne devrait pas relever son taux directeur prochainement. L'importante liquidité sur les marchés financiers continuera en outre de comprimer la prime de terme, intégrée dans le taux long. Autre argument en faveur de cette anticipation : la corrélation entre les taux obligataires allemands et américains, qui suivent généralement une tendance similaire. C'est la raison pour laquelle les prévisions d'assouplissement de la politique de la Fed influencent le taux long à l'échelle mondiale. Le taux à long terme continuera par conséquent de subir une pression baissière en 2019 (cf. supra).

Les taux allemands à long terme ne devraient se réinscrire en légère hausse (jusqu'à 0,15%) qu'en 2020. Cette progression sera alors le reflet de la hausse des taux américains. Accessoirement, l'anticipation du relèvement technique du taux de dépôt de la BCE jouera également un rôle.

Les différentiels de taux dans la zone euro resteront minimes. L'absence de relèvement des taux par la BCE et l'importante liquidité sur les marchés maintiendront l'intérêt de la quête de rendement. Les primes de risque sur les emprunts d'État et, partant, les différentiels de taux au sein de l'UEM, resteront dès lors peu élevés. Ils pourraient même diminuer légèrement. La situation pourrait néanmoins évoluer différemment, selon les conditions spécifiques des pays individuels. Nous pensons plus particulièrement à la prime de risque sur les emprunts d'État italiens, qui demeurera élevée compte tenu de la menace d'une nouvelle confrontation entre le gouvernement italien et la Commission européenne sur le budget italien.

Le rendement des emprunts d'État américains à dix ans pourrait encore fléchir durant cette année, à 1,75% d'ici la fin de 2019. En cause, la baisse des taux par la Fed et les prévisions à cet égard. Une fois que les marchés financiers auront compris que les baisses de taux de la Fed iront moins loin que ce qu'ils pensent, les taux longs se stabiliseront également et finiront pas repartir à la hausse. Nous devrions atteindre un niveau de 2,4% fin 2020.

L'anticipation d'une baisse des taux par la Fed réduit d'ores et déjà le soutien des taux pour le billet vert. La valorisation du dollar sur la base de ses fondamentaux économiques et des éléments politiques légitiment la perspective d'un affaiblissement de la devise américaine. Nous avons par conséquent revu à la baisse nos prévisions pour le dollar par rapport à l'euro (à 1,17 dollar/1 euro) d'ici fin 2019 et en 2020).

Mise à jour économique des pays et régions

Les prévisions les plus récentes

D'autres prédictions peuvent être trouvées ici.

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