La SNB sort le grand jeu
La Banque centrale suisse (SNB) a tenu ce matin sa première réunion de politique sous la direction de son nouveau président Martin Schlegel. Conscient que l'on n'a qu'une seule fois l'occasion de faire une première impression, ce dernier a d'emblée frappé fort. La CNB a fait passer son taux directeur de 1 % à 0,5 %. La majorité des analystes partaient du principe que la banque resterait sur la voie de la progressivité, avec des (petites ?) interventions de 25 points de base (bp). Cela n'a donc pas été le cas. Mais la BNS ne se trouve pas dans la même position que la plupart de ses collègues, qui doivent calibrer le rythme de leurs baisses de taux dans un contexte où l’objectif d’inflation n’a pas encore été durablement atteint. Cela ne signifie toutefois pas que la banque centrale suisse a les mains libres. La trajectoire de la politique dépend désormais d'une partie d’échecs tactique, avec le marché et le franc suisse comme enjeux.
Commençons par le communiqué de politique, comme d'habitude très succinct. Depuis la réunion de septembre, l'inflation a ralenti (0,7 % en glissement annuel en novembre) plus rapidement que prévu et devrait rester faible dans un avenir proche. La SNB table en moyenne sur une inflation de 1,1 % cette année, 0,3 % (au lieu de 0,6 % auparavant) l’année prochaine et 0,8 % (au lieu de 0,7 %) en 2026. La banque définit la stabilité des prix comme une inflation CPI comprise dans une fourchette entre 0 % et 2 %. Ce ralentissement est fortement lié au recul de la croissance, tant en Suisse qu’à l’étranger. Après une croissance d’environ 1 % cette année, la SNB espère que l’assouplissement monétaire contribuera à une reprise progressive l’année prochaine (entre 1 % et 1,5 %). Comme d'habitude, la banque reste avare en indices concernant l'évolution future de sa politique. Soulignons toutefois que Schlegel a admis pouvoir tolérer quelques mois d’inflation inférieure à 0 %. Les taux demeurent le principal instrument de politique, mais à 0,5 %, la marge de manœuvre est évidemment limitée, à moins d'appliquer à nouveau des taux directeurs négatifs. Schlegel n’a pas exclu officiellement cette possibilité, mais l'idée plaît moins qu'auparavant. Notre conclusion ? La SNB procédera à une dernière baisse en mars (25 pb) avant de tourner la page. Les interventions font toujours aussi partie de l’arsenal, mais elles restent une mesure d’urgence, surtout dans un contexte où la faiblesse de l’inflation est surtout le résultat d’une demande en berne et non d’une appréciation trop rapide du franc.
Immédiatement après la décision de taux, le franc s’est replié, de EUR/CHF 0,928 à EUR/CHF 0,934, mais ce mouvement n’a rien de convaincant. Il y a de fortes chances que la SNB soit à nouveau confrontée, plus tôt que tard, à une monnaie trop forte. Il ne restera alors plus qu’à choisir entre la peste et le choléra. Ce n’est pas que la SNB prend ses décisions en fonction de Trump, mais elle a tout de même pu constater, lors du précédent mandat de ce dernier, qu'il considérait les taux négatifs et les interventions sur le marché des changes comme des manipulations de taux et des pratiques de concurrence déloyale. La manière dont il réagira à de telles actions est désormais bien connue. Les interventions sur les taux de change constituent également un sujet sensible à l’intérieur du pays. En cas de nouveau renforcement du franc, l’énorme réserve de devises étrangères entraînerait une perte/érosion encore plus grande des fonds propres de la SNB. Cela ne cadre pas avec l'orthodoxie monétaire des Suisses et cela freinerait les distributions de bénéfices de la SNB aux cantons (source importante de revenus). En fin de compte, la question est de savoir où se situe le (nouveau ?) seuil à ne pas dépasser pour la banque centrale. Peut-être que le CHF pourrait brièvement dépasser les plafonds de la zone EUR/CHF 0,921/0,925, avec 0,90 comme nouvelle ligne rouge. Le marché pourrait donc rapidement se lancer dans une recherche empirique, surtout si l'euro reste faible.