La BoE crée une pénurie d’obligations
La semaine prochaine, la Banque d’Angleterre se penchera sur la politique monétaire. Si l’accent est généralement mis sur la décision relative au taux directeur, ce serait réducteur cette fois-ci: en septembre, la banque centrale britannique s’occupe aussi de la gestion du portefeuille obligataire.
À l’instar de la BCE et de la Fed, ces dernières années, la BoE a racheté une quantité massive d’obligations d’État à la suite des crises de 2008, 2012 et 2020. Au paroxysme de cette dynamique, l’ampleur du portefeuille obligataire avait atteint pas moins de 900 milliards de livres, ce qui représente pratiquement un tiers (!) de l’encours total de la dette nationale. Depuis lors, la Banque d’Angleterre, tout comme la BCE et la Fed, a entamé une opération d’assainissement aussi vaste que nécessaire, dans le but de défaire une partie de ces gigantesques injections de liquidités. Mais cette opération se déroule un peu différemment qu’outre-Manche et outre-Atlantique, où nous avons des échéances ou des montants mensuels. En effet, la Banque d’Angleterre fixe chaque année un montant total au mois de septembre et se donne 12 mois pour atteindre cet objectif. Pour octobre 2023 à septembre 2024, elle visait 100 milliards de livres. Au cours de cette période, pour 50 milliards de livres d’obligations en circulation sont arrivées à échéance. Pour atteindre l’autre moitié de l’objectif, la BoE a activement remis sur le marché des obligations d’État non encore échues. Ainsi, l’enveloppe d’obligations librement négociables s’étend petit à petit, ce qui est une bonne chose pour la liquidité du marché.
Ces derniers mois, la Banque d’Angleterre n’a rien voulu trahir quant à la poursuite des opérations de réduction du portefeuille. L’économiste et ancien décideur de politique Saunders en déduit que la banque centrale visera un objectif similaire pour les 12 mois à venir. Mais cette fois, le rapport n’est plus le même: pas moins de 87 milliards de livres d’obligations arriveront automatiquement à échéance, ce qui laissera pour 13 milliards de livres d’obligations à vendre activement. Il y a donc un double problème. C’est non seulement peu par rapport aux années précédentes (et suivantes), mais en plus, en procédant à ces ventes déjà limitées, la BoE met l’accent sur les obligations avec une durée plus longue d’au moins trois ans. Autrement dit, l’extrémité courte de la courbe des taux ne profitera pas de cette manne de liquidités.
Des investisseurs ont récemment tiré la sonnette d’alarme dans le journal d’affaires britannique Financial Times, en pointant du doigt la montagne d’emprunts à court terme détenus par la Banque d’Angleterre. Il s’agit de quelque 225 milliards de livres, soit un tiers des obligations encore en circulation (une proportion qui va s’accroissant). Cela engendre une pénurie structurelle dans le segment des échéances de 1 à 3 ans, ce qui pourra entraîner des problèmes à terme dans des segments de marché critiques (opérations repo). Ainsi, les indicateurs de négociabilité générale des obligations d’État britannique en sont à des niveaux encore pires qu’en septembre 2022, quand les maîtres d’ouvrage Truss et Kwarteng avaient fait capoter le marché. Dans l’article du FT, les investisseurs appellent la BoE, outre à relever son objectif annuel de quelques dizaines de milliards de livres, à prêter davantage attention au segment à court terme au niveau des ventes actives. Cela semble tout à fait judicieux en théorie. Mais dans la pratique? Pour la banque centrale, ce sera un exercice d’équilibre difficile qui lui impose de commencer à tenir compte du point d’inflexion dans sa gestion du portefeuille, c’est-à-dire le moment où les ventes d’obligations auront pour effet de drainer le marché d’une quantité excessive de liquidités et de nuire à la fluidité des opérations. Selon ses propres estimations, ce point se situe entre 345 et 490 milliards de livres. La Grande-Bretagne est la première économie où ce thème devient à l’ordre du jour. La BCE et la Fed seraient bien inspirées de prêter attention à cette étude de cas.