Le franc suisse n'a pas encore fini son ascension
Le tracé du franc suisse depuis le début de l'année ne manque pas de valeur symbolique. Sur le graphique du cours EUR/CHF, une montagne abrupte s’est dessinée. Le flanc de gauche haussier a démarré fin janvier avec le plus bas historique de EUR/CHF 0,93 (plus haut pour le franc). Pour la banque centrale suisse (et l’économie suisse axée sur les exportations), cette vigueur de la monnaie est devenue de plus en plus problématique. Quelques mises en garde verbales plus tard et confortée par le rapide ralentissement de l'inflation, la banque centrale (SNB) a déjà procédé à un premier abaissement des taux en mars. Dans les semaines qui ont suivi, le cours EUR/CHF a grimpé en direction de > 0,99. C’est le président de la banque, Thomas Jordan, qui a alors qualifié ce niveau de sommet. Fin mai, le (presque ancien) patron de la BNS a estimé que le cours avait suffisamment grimpé. Son commentaire a provoqué un retour du franc suisse, qui a également profité du regain d’aversion pour le risque en juin (élections européennes) et début août (spectre d’une récession américaine). Le cours EUR/CHF a pendant un moment plongé en direction de 0,92, délimitant ainsi le flanc droit de notre montagne imaginaire.
Entre-temps, la paire de devises a trouvé un équilibre provisoire près de 0,94. « Provisoire », car nous pensons que la récente ascension du franc suisse n’est pas encore tout à fait terminée. Le long terme joue. Le franc a une tendance structurelle à s'apprécier, notamment grâce à une productivité relativement élevée dans le pays et à une bonne maîtrise de l’inflation (domestique). L’appréciation de plus de 20 % par rapport à l’euro depuis 2018 ne constitue en fait que le sommet de l’iceberg. Les éléments cycliques à court terme plaident également en faveur du franc. Ce matin, le service statistique suisse a publié ses chiffres de croissance et d’inflation. Avec 0,0 % sur une base mensuelle (août) et un ralentissement à seulement 1,1 % en glissement annuel, ces derniers n’empêcheront en principe pas une troisième baisse de taux consécutive plus tard dans le mois. Cette diminution du soutien des taux ne constitue pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour la monnaie. Elle est déjà (largement) prise en compte sur le marché, alors que les autres grands blocs (États-Unis, Europe) suivent tous la même voie.
Avec un taux directeur à seulement 1 % dans ce cas, la SNB ne disposera plus de beaucoup de marge de manœuvre. Selon nous, la banque n'aura pas vraiment envie de rééditer l'expérience des taux négatifs. D’autant plus que l’économie suisse montre des signes de reprise. La croissance s’est redressée de 0,7 % en glissement trimestriel au cours du trimestre écoulé, son rythme le plus rapide depuis le deuxième trimestre de 2022. Mais une mesure ajustée a également fait état de la croissance la plus rapide depuis le premier trimestre de l’année dernière. Les indicateurs de sentiment, comme le PMI de confiance des entreprises, ont également rebondi le mois dernier. Cela contraste avec le reste de l’UE/de la zone euro. Pour une valeur refuge comme le franc suisse, ce contexte économique (et politique) instable pose implicitement un plancher sous la devise.
Le principal risque pour le franc suisse vient de l'intérieur, et plus exactement de la banque centrale. Tout comme en début d'année, un renforcement trop marqué pourrait tendre l'atmosphère. Nous pensons toutefois que ce point n’est pas encore atteint. Une rupture du cours EUR/CHF en dessous du plancher correctif de début août (0,921) pourrait donner lieu à un premier mouvement de frustration. Pour des interventions effectives sur le marché des changes (achat de devises, vente de francs), nous pensons que le cours EUR/CHF devra tomber à 0,90.