Le calme relatif pourrait être perturbé par les chiffres de l'inflation
Tout est une question de timing sur les marchés financiers… Comme la trêve estivale ne s'est pas vraiment passée comme nous l'avions prévu, nous revenons brièvement sur ce début de mois turbulent, une semaine après les faits. La dure réalité s'est rappelée au souvenir d'un marché (des changes) positionné de manière unilatérale, provoquant un repositionnement brutal du marché des taux et une correction des actifs plus risqués.
La banque centrale japonaise (BoJ) est celle qui a fait tomber le premier domino le 31 juillet, avec un petit relèvement de taux (+15 pb) aux grandes conséquences. Plus tard dans la journée, la banque centrale américaine (Fed) a ouvert la porte à un abaissement de taux en septembre. Les chiffres décevants de l’activité américaine (indice ISM de l'industrie manufacturière) et du marché de l’emploi (« payrolls ») ont réveillé le spectre d'une récession aux États-Unis, nourrissant l’idée que la Fed avait attendu trop longtemps pour rendre sa politique monétaire moins restrictive. Le « carry trade » (portage) est le mécanisme de marché qui lie les événements de part et d’autre du Pacifique. Il s'agit d'une stratégie bien connue par laquelle les investisseurs profitent du faible coût de financement dans une devise (yen japonais) pour investir ensuite dans des actifs d'une autre devise et empocher ainsi le différentiel de taux. En fonction du profil de risque, cet effet de levier peut être actionné via les obligations, les actions ou même des alternatives plus exotiques telles que les crypto-monnaies. Mais le conte de fées prend fin lorsque le coût de l'emprunt (taux d'intérêt japonais) augmente et que le rendement final (taux d'intérêt américain) diminue en même temps. Surtout si l'on ajoute à cela une forte baisse du cours USD/JPY. Depuis la réunion de la BoJ, ce dernier est passé de 152,75 à 147,75, avec un point bas sous 142. L’inversion de ce « carry trade » a également laissé de solides traces sur d’autres sous-marchés. Surtout en cette période estivale, où la liquidité est restreinte.L’indice technologique américain Nasdaq a ainsi plongé de 11 % en trois jours. Un peu plus de la moitié de ces pertes ont cependant été récupérées depuis. La reprise s'est enclenchée après que le vice-président japonais de la BoJ a exclu de nouveaux relèvements de taux en période de turbulences sur les marchés. En manœuvrant de la sorte, ce dernier a placé la banque centrale dans la position particulièrement inconfortable d'esclave du marché. Du côté américain, la confiance est revenue après la publication d'un indicateur ISM des services solide.
Le calme relatif va être mis à l'épreuve pour la première fois cette semaine avec les chiffres de l'inflation américains (prix des producteurs aujourd’hui et prix à la consommation demain). Nous pensons que seul un net rebond ramènera le goût amer de début août. Depuis la réunion de juillet de la Fed, les chiffres de l’activité et du marché de l’emploi ont gagné du poids par rapport à ceux de l’inflation. Après la forte correction des taux, le marché monétaire américain est aujourd’hui partagé quant à l’ampleur du premier abaissement : 25 ou 50 points de base. Lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion de la Fed, le président, Jerome Powell, a encore exclu cette seconde option. Mais des ISM ou des payrolls plus faibles ou un signal fort de la Fed (Jackson Hole) pourraient pousser le marché encore davantage dans la direction des 50 pb. Tant que cette possibilité sera envisageable, un affaiblissement du dollar restera la voie de la moindre résistance.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC