Panaché de devises
Après deux mois de stagnation, le cours EUR/GBP sort enfin de son coma artificiel à 0,8550. Il n’y a pas grand-chose à dire de la réunion de la Banque d’Angleterre (BoE) de ce jeudi, mais comme souvent sur les marchés, tout est question d’attentes. Jusqu’à hier, les marchés monétaires britanniques considéraient en effet que la réunion du mois d’août, ainsi que les nouvelles perspectives de croissance et d’inflation, marqueraient le coup d’envoi des abaissement de taux. Aujourd’hui, une nouvelle vérité s’impose: les choses pourraient bien aller plus vite. Deux des neuf membres de la BoE ne sont plus partisans d’un relèvement des taux d’intérêt de 25 points de base et adhèrent désormais au point de vue neutre de la majorité. Bien qu’officiellement, la banque centrale britannique réfléchisse encore à la durée pendant laquelle le (pic du) taux directeur actuel devrait rester en place, le président Bailey ne se prive pas de rêver tout haut dans le Financial Times d’aujourd’hui. Grâce à un processus de désinflation un peu plus rapide et une économie plus résiliente, des abaissements de taux pourront être envisagés plus vite que prévu. Ainsi, le ‘Chunnel’ s’extrait enfin de sa camisole de force des deux derniers mois (0,85-0,8575) et s’aventure prudemment dans un cadre élargi – tout est relatif – depuis le mois de mai de l’année dernière (0,85-0,8750).
Du miracle de la GBP, passons à l’oracle de l’USD. ‘Sinon, l’actualité économique les forcera à changer d’avis’, avait prédit un sage homme. Moins de 24 heures et une flopée de chiffres solides (y compris pour le marché résidentiel américain) plus tard, c’est déjà le cas. Que l’on donne une promotion à cet homme!… Heu, attendez, peut-être pas… En tout cas, les marchés ont rapidement retiré leurs œillères après la réunion de la Fed. Tout d’un coup, ils ont vu au-delà de la projection médiane (inchangée, encore plus précise) de 3 abaissements de taux cette année. En septembre, pas avant! Le billet vert pondéré des échanges commerciaux (DXY: 104,40) atteint aujourd’hui son niveau le plus élevé depuis mi-février. La reine des devises garde ainsi sa couronne. Cela va de soi face à une livre faible (GBP/USD 1,26), un yen japonais impuissant (USD/JPY 151,50: test des niveaux les plus élevés depuis début 1990), un yuan chinois en pleine déroute maintenant que les autorités ont abandonné la défense du niveau de 7,20 (USD/CNY 7,23: le niveau le plus élevé depuis novembre), mais aussi l’euro. À EUR/USD 1,0804/1,0796, un retour au plancher annuel provisoire de 1,0695 sera un jeu d’enfant. Hier, l’indice des directeurs d’achats européen a apporté de l’eau au moulin de la BCE. Une reprise naissante, combinée à une baisse de la pression sur les prix, ouvre la voie à un abaissement de 25 points de base en juin. Le marché en convient, mais nourrit probablement trop d’espoirs pour le deuxième semestre, surtout selon notre scénario de prédilection pour la Fed.
Pour terminer, évoquons deux exceptions ‘europérilleuses’ sous la forme de deux banques centrales aux visées opposées aux extrêmes du spectre: pour la première, l’appréciation (réelle) de la devise est déjà allée beaucoup trop loin; pour la deuxième, une telle appréciation serait au contraire le Saint Graal. Nous parlons bien sûr… de la Suisse et de la Turquie. La Banque nationale suisse (BNS) crie victoire contre l’inflation et a abaissé son taux directeur de 25 points de base, à 1,50%. À ce stade, une baisse du CHF serait la bienvenue. Si cela n’arrive pas ou pas assez vite, le taux directeur pourrait sans doute être à nouveau abaissé au mois de juin. Le marché a compris le message. Le cours EUR/CHF a grimpé à 0,9750 pour la première fois depuis le mois de juin de l’année dernière. Et du côté de la Banque centrale de la république de Turquie (CBRT), un nouveau relèvement inattendu des taux (de 45% à 50%!) n’a toujours pas convaincu les marchés, le taux d’inflation étant de 67% en glissement annuel. La lire a certes augmenté, mais la paire EUR/TRY se raccroche à ses cours records autour de 35,60.