La banque centrale britannique tempère l’enthousiasme
La banque centrale britannique (BoE) a relevé son taux directeur de 25 points de base pour une troisième fois d'affilée, de 0,50 % à 0,75 %. Le taux directeur renoue ainsi avec son niveau pré-Covid. Les quatre membres du comité qui avaient plaidé le mois dernier pour un relèvement plus agressif de 50 pb se sont donc contentés de la moitié. Un autre membre de la BoE a voté en faveur d’un statu quo et la décision a donc été prise à huit voix contre une hier. Un signe parmi d'autres d'un certain regain de prudence dans les rangs de la banque.
Face à la vigueur du marché de l’emploi et au niveau élevé de l’inflation, la décision prise hier était une évidence pour la plupart des membres de la BoE. Mais bien que l’inflation culminera au printemps – et peut-être encore à l’automne – plus haut que prévu dans le rapport de politique monétaire de février (>8 % au lieu de 7.25 %), la BoE ne donne aucun signe d'accélération. L'ajustement officieux des prévisions d'’inflation s'explique surtout par la hausse des prix de l’énergie et des matières premières (y compris des denrées alimentaires) due à l’invasion russe en Ukraine. Et celle-ci va toucher le pouvoir d’achat des Britanniques. Le plein impact de la crise énergétique devrait se faire ressentir une première fois en avril. Selon les estimations, le plafond de la facture de gaz et d’électricité (un héritage de la libéralisation du marché de l’énergie) d’un ménage moyen sera relevé de plus ou moins 700 livres à environ 2 000 livres. Une révision sera encore à l’ordre du jour en automne (octobre). Ajoutez à cela quelques hausses d’impôts en vue de payer la facture des soins de santé et le léger resserrement de la politique monétaire et vous comprendrez pourquoi la Banque d’Angleterre tempère déjà l’enthousiasme (du marché). Dans sa ligne de conduite pour les prochaines réunions, elle est passée de hausses de taux supplémentaires "probables" à un resserrement supplémentaire "limité" si nécessaire. Pour la première fois, les risques sont à nouveau orientés dans les deux sens (suspendre et accélérer le cycle des taux) au lieu d'être exclusivement centrés sur la lutte contre l’inflation. Lors de sa prochaine réunion en début mai, la BoE disposera de nouvelles prévisions de croissance et d’inflation. Enfin, il ne faut pas oublier que la banque centrale britannique avait évoqué un taux directeur d’au moins 1 % avant de commencer à vendre activement les obligations de son portefeuille QE. Ce durcissement supplémentaire (en plus de la réduction naturelle du bilan déjà en cours) devrait arriver plus rapidement que prévu. Jusqu’il y a quelques mois, tout le monde tablait en effet encore sur un cycle de resserrement très progressif.
Après les signaux forts envoyés par la banque centrale européenne la semaine dernière et la Réserve fédérale ce mercredi, le marché s’attendait à un scénario similaire de la part de la BoE. Le marché des taux britannique a donc été pris au dépourvu par le regain de prudence de la banque centrale. Les taux britanniques ont perdu plus de 10 points de base sur la partie courte de la courbe. Les taux du marché monétaire britannique ne tiennent plus compte d’un taux directeur à plus de 2 % en fin d'année et se contentent provisoirement d’environ 1,75 %. La livre sterling a perdu le soutien des taux, mais a globalement réussi à limiter les pertes. Le cours EUR/GBP s’est redressé en direction de 0,8450, mais n'a pas vraiment testé le premier niveau de résistance de 0,8478. La combinaison des décisions de politique de la BCE et de la BoE consolide de nouveau un peu le plancher sous le cours EUR/GBP. À plus long terme, nous restons dès lors pessimistes vis-à-vis de la devise britannique.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC