La BCE place un plancher sous les taux des swaps européens (2 ans en bleu et 10 ans en, orange).
Avouons-le : notre premier sujet de conversation ce matin a été le décès de la reine Eliizabeth II. En espérant que cela accélérera la sortie de la nouvelle saison de The Crown. Mais nous sommes néanmoins vite passés à l'autre événement historique du jour : le relèvement de taux de 75 points de base de la Banque centrale européenne. La décision a été prise à l'unanimité et s’inscrit dans la tendance actuelle où toutes les banques centrales insistent sur la ligne du temps monétaire, ce que l'on appelle le frontloading. Le principal taux de référence s’élève aujourd'hui à 0,75 %. Et les marchés des taux estiment que la BCE ne va pas s'arrêter là. Hier, les taux des swaps européens ont enregistré une hausse à deux chiffres et ils continuent de grimper aujourd’hui. La zone de résistance aux alentours de 2,2 % pour le taux à 2 ans est en train de tomber. En Allemagne, la hausse a dépassé les 20 points de base sur la partie courte de la courbe.
Il a fallu du temps, mais la BCE l’a bien compris maintenant. Il faut éviter un dérapage des attentes en matière d’inflation. Un risque réel au vu des fortes hausses des prix (9,1 % en août). Que celles-ci soient dues au gaz, au pétrole, aux perturbations dans les chaînes de production ou à des développements en interne (p. ex. : hausse des salaires en raison des pénuries sur le marché de l’emploi), n'a pas vraiment d'importance pour monsieur et madame tout le monde. La BCE a une nouvelle fois revu ses prévisions d’inflation à la hausse. Pour cette année et l’année prochaine, elle table sur respectivement 8,1 % et 5,5 %. À la fin de l’horizon de politique en 2024, le niveau des prix se sera établi à 2,4 %. Au-dessus de l’objectif de 2 %, donc. L'urgence force Francfort à prendre des mesures claires, même si la situation économique va encore se dégrader. La BCE table ainsi sur une stagnation de la croissance au quatrième trimestre de cette année et au premier trimestre de l’année prochaine. Cela nous paraît même optimiste.
Lagarde n'a pas voulu le confirmer officiellement elle-même – la fameuse dépendance aux données -, mais les initiés que l’agence de presse Bloomberg a pu sonder par la suite laissent peu de doutes à ce sujet : un autre relèvement de 75 points de base suivra en octobre. Dans le cadre du frontloading monétaire, nous n’excluons pas une intervention similaire en décembre et misons sur un pic à 3 % au premier trimestre de 2023. Nous nous montrons plus agressif que le marché, mais le fait est que celui-ci a déjà dû revoir à plusieurs reprises ses prévisions à la hausse au cours de ce cycle. Nous pensons qu’il sous-estime un peu la détermination de Francfort (fonction de réaction). Après des années de politique ultra-accommodante, on peut difficilement le lui reprocher. Autre information au moins aussi importante, la BCE devrait, selon ces mêmes initiés, discuter de la réduction progressive de son bilan en octobre. Nous ne nous attendons pas à un plan détaillé avant décembre. Le thème est surtout important pour les taux à plus long terme.
En d’autres termes, les taux européens à court et à long terme disposent d'un solide plancher. C’est une bonne nouvelle pour la paire EUR/USD... en théorie. La monnaie unique se heurte à un dollar toujours fort qui, sur fond de sentiment en berne, profite également d’un soutien substantiel des taux d’intérêt. À cela s’ajoute la terrible crise de l’énergie, qui pèse lourdement sur l’euro. En ce moment même, les ministres européens de l’Énergie réunis en sommet sont activement en train de chercher des solutions. Celles-ci devront être crédibles, rapidement réalisables et de préférence approuvées par tous les membres de l’UE. Or, l’Europe ne nous a pas vraiment habitués à cela.