La MNB poursuit résolument sur sa lancée
Suite à la pandémie, l’inflation s’est emballée beaucoup plus rapidement en Europe centrale que dans l’UEM. La proximité géographique de la guerre en Ukraine a également contribué à dérégler l’activité économique et le niveau des prix. Par tâtonnements, les banquiers centraux se sont efforcés de remédier à cette poussée inflationniste foudroyante et persistante en lui opposant la bonne dose de resserrement monétaire. Hier, c’était à nouveau à la banque centrale hongroise (MNB) d’agir.
La situation de la Hongrie est plus délicate que celle de la Pologne ou encore de la Tchéquie. Avec une dette publique plus élevée et un déficit externe croissant, le pays et sa monnaie sont plus vulnérables. La politique fiscale généreuse mise en œuvre à l’approche des élections d’avril a stimulé la demande, mais aussi l’inflation. Et la Hongrie ne dispose que de réserves de change limitées pour soutenir le forint par le biais d’interventions directes sur les taux de change, une tactique que la banque centrale tchèque emploie notamment volontiers pour éviter qu’une devise trop faible n’alimente l’inflation. Outre la pression “classique” exercée sur le forint par la volatilité générale des marchés, le litige avec l’Europe au sujet de l’État de droit est une source d’incertitude persistante qui retarde/suspend l’accès aux financements de l’UE. En raison des conséquences budgétaires potentielles de ce litige et de la dépendance énergétique du pays vis-à-vis de la Russie, l’agence de notation S&P a abaissé la note de crédit de la Hongrie (BBB) de stable à négative ce mois-ci. C’est ainsi qu’en dépit des taux d’intérêts les plus élevés de la région, le forint a de nouveau flirté avec le nadir historique qu’il avait atteint début juillet. Une nouvelle fois, les marchés ont mis à l’épreuve la détermination de la MNB…
En mai, la banque centrale avait déjà ralenti le rythme des relèvements de taux (à +50 points de base), arguant qu’elle avait “fourni des efforts considérables”. Lourde erreur d’appréciation: les effets combinés de l’accélération de l’inflation, de la hausse des taux dans les grands pays et de l’aversion au risque générale ont fait dégringoler le forint vers un nouveau plancher historique (EUR/HUF 416). En juin, la MNB a donc employé les grands moyens avec un relèvement de taux de 185 pb. Elle a ensuite dû entamer un processus difficile pour regagner la confiance des marchés. En juillet, elle a franchi une nouvelle étape avec un relèvement à 200 pb. Depuis deux mois, la norme est à 100 pb. Pourtant, le taux d’inflation en Hongrie continue à augmenter (13,7% en glissement annuel en juillet; inflation de base à 16,7% en glissement annuel). Et avec l’extinction des mesures prises précédemment pour enrayer les coûts de l’énergie, le taux d’inflation pourrait encore grimper en direction de 20% en glissement annuel cet automne. La MNB n’a pas oublié la leçon qu’elle a apprise début mai. Elle indique qu’elle continuera à relever les taux jusqu’à ce que l’inflation soit sous contrôle, même si la croissance ralentit fortement. Outre le relèvement des taux à 11,75%, hier, la MNB a pris toute une série de mesures techniques pour sortir des liquidités en HUF du marché.
Le contexte global (l’Ukraine, la crise énergétique, la hausse globale des taux d’intérêt) reste une source d’incertitude pour le forint et les marchés hongrois en général. Pourtant, la MNB est en voie de regagner peu à peu la confiance du marché. Les taux d’intérêt à court terme ont à nouveau augmenté (swap à 2 ans +20 points de base) dans la perspective de nouveaux relèvements des taux d’intérêt, tandis que le forint s’est redressé (+1,5%). Le cours EUR/HUF approche du cap des 400. Si le gouvernement parvient à résoudre le conflit avec l’UE et à libérer les fonds bloqués, le différentiel EUR/HUF pourrait évoluer en direction de EUR/HUF 390/385, ce qui donnerait un peu plus de lest à la banque centrale. Mais bien sûr, s’il est facile de perdre la confiance du marché, il est difficile de la retrouver. La MNB en sait quelque chose…