Inflation: l’optimisme pèse sur le dollar. À raison?
Depuis peu, les investisseurs sont sur leur petit nuage. Après une baisse un peu plus rapide que prévu de l’inflation américaine, ils ont conclu qu’un dernier relèvement des taux de la Fed était exclu. Mieux encore, le marché estime qu’il y a de fortes chances pour qu’un abaissement s’ensuive dès le printemps, avec la réalisation du scénario tant espéré d’un atterrissage en douceur. Tant les taux nominaux que les taux réels américains ont reculé. Cette évolution entraîne non seulement une remontée en force des obligations, mais aussi un rallye des actifs risqués. Cela laisse une grande victime de la baisse des taux et de la reprise boursière: le dollar.
L’érosion du dollar s’était déjà amorcée précédemment, suite au rapport relativement bon sur le marché de l’emploi et à la baisse de l’inflation plus tôt ce mois-ci. Après une période haussière entre mi-juillet et début octobre, la dynamique du dollar s’est enrayée: l’indice DXY pondéré des échanges commerciaux a brièvement dépassé 107, mais a depuis lors perdu près de 50% de ses bénéfices engrangés depuis le mois de juillet (103,5). Fin septembre, le cours EUR/USD a atteint un nouveau plancher annuel. Bien que les astres restaient favorables au dollar, il n’y a pas eu de gains consécutifs, mais des signes de fatigue techniques. Le cours EUR/USD (1,091) a maintenant dépassé la limite technique de retracement de 50% (1,0862) et se rapproche du prochain seuil majeur (retracement de 62%, à 1,0960). Même face au yen, miné par la politique de relance obstinée de la Banque du Japon, les partisans du dollar ont récemment jeté l’éponge. Est-ce le début d’une nouvelle tendance durable? Nous n’en sommes pas persuadés.
La question clé pour les marchés en général et le dollar en particulier est de savoir dans quelle mesure les marchés ont raison de prédire que la Fed s’engagera sur la voie de l’assouplissement en 2024 (cumul de 1%). Même dans un scénario où l’inflation américaine (sous-jacente) tomberait à 3%-2,5% l’année prochaine, nous sommes d’avis que la Fed a toutes les raisons de maintenir un taux d’intérêt réel suffisamment élevé. Car il le faudra, si elle souhaite convaincre les marchés qu’elle n’abandonne pas le ‘dernier kilomètre’ vers l’objectif de 2% avant de passer à une politique plus neutre.
Depuis peu, certains spéculent que la forte demande aux États-Unis n’alimentera pas nécessairement l’inflation, dans la mesure où les problèmes au niveau de l’offre continuent à se réduire dans la période post-covid. Mais ce scénario parfait est loin d’être garanti, surtout en cas de pénurie persistante sur le marché du travail. Enfin, la Fed ne se réjouit probablement pas de l’assouplissement précoce des conditions monétaires dû à la baisse des taux (réels), à la reprise des prix des actifs et à l’affaiblissement du dollar. Les derniers développements intervenus sur les marchés ont balayé l’argument comme quoi la bourse ferait une partie du travail de la Fed à sa place. On pourrait même dire que c’est le contraire. Dans le nouveau contexte, un autre facteur négatif pour le dollar pourrait être que les marchés s’inquiètent davantage des ‘twin deficits’ (déficit externe et besoins croissants de financement des pouvoirs publics). Nous gardons un œil là-dessus, mais jusqu’ici, les investisseurs ne s’en préoccupent guère. Comme toujours, quand le marché est sur sa lancée, mieux vaut ne pas nager à contre-courant. Toutefois, nous estimons qu’autour de EUR/USD 1,0960/1,10, l’optimisme par rapport à l’inflation (et donc le pessimisme vis-à-vis du dollar) aura été assez loin.