La créativité de la Riksbank convainc à moitié
Cela fait un certain temps que la couronne suédoise figure parmi les devises les plus mal en point des pays développés. Mi-septembre, la SEK avait perdu 6% par rapport à l’euro et au dollar depuis le début de l’année. Cette dépréciation s’ajoute à des pertes de plus de 8% (par rapport à l’euro) et de plus de 13% (par rapport au dollar) en 2022. Le cours EUR/SEK a ainsi dépassé les sommets (plancher de la SEK) de la crise de 2009, se maintenant tout juste en dessous du cap de EUR/SEK 12. Mais récemment, la couronne a eu un peu de répit. Cette évolution n’est pas due à une amélioration des chiffres, ni à la perspective d’une politique plus convaincante de la Riksbank (RB): en effet, cette dernière a plutôt décidé de faire preuve de créativité en annonçant vouloir couvrir une partie de ses réserves contre le risque de change et les reconvertir en SEK.
Une décision pour le moins curieuse, car les réserves de change servent à défendre la devise si nécessaire et/ou à alimenter le système financier domestique en devises étrangères (euros ou dollars) en cas de tensions au niveau des liquidités. Conserver de telles réserves implique par définition de courir un risque de change. De fait, si la devise domestique augmente, la valeur de ces réserves exprimée en devise locale diminue, et inversement. Or fin septembre, la RB a déclaré qu’elle ‘couvrirait’ (c’est-à-dire ‘vendrait’) environ 25% de ses réserves (8 milliards USD et 2 milliards EUR). Vu la faiblesse de la couronne, elle anticipait un risque élevé de dévalorisation lorsque la devise s’apprécierait à nouveau. Selon cette logique, la RB applique une politique saine et conservatrice de gestion du risque. Elle insiste aussi sur le fait que l’opération est indépendante de la politique monétaire, niant qu’il s’agit d’interventions sur le marché des changes.
Bien qu’il ne soit pas anormal pour une banque centrale d’être active sur le marché des changes, la justification est quant à elle moins orthodoxe. La RB rachètera-t-elle ces devises quand la couronne s’appréciera? Car ce serait aussi de la ‘gestion des risques’… Les mauvaises langues suggéreront que la Riksbank joue les spéculateurs/hedge funds avec sa propre devise. En attendant, la RB indique chaque semaine quelle quantité de réserves elle a déjà ‘couvertes’. Après deux semaines de ventes, il s’agit de 80 millions d’euros et de 1,34 milliards de dollars.
Aussitôt après le début des (non-)interventions fin septembre, la couronne s’est renforcée, progressant de la zone EUR/SEK 12 vers 11,50. Depuis lors, la couronne a connu une phase de consolidation, voire un nouvel affaissement. Les banquiers centraux répètent à l’envi que la faiblesse de la couronne contribue à l’inflation. Celle-ci a de nouveau été supérieure aux attentes au mois de septembre (CPIF de 0,4% en glissement mensuel et de 4% en glissement annuel, contre 3,7% selon les prévisions; inflation de base de 6,9% en glissement annuel). Pour l’instant, la RB s’en tient à l’analyse selon laquelle la politique doit rester restrictive pendant un certain temps. Cependant, elle tient compte d’une contraction du PIB de 0,8% cette année et de 0,1% l’année prochaine. En septembre, la RB n’excluait pas un nouveau relèvement des taux à 4,25%. Une étape qui resterait ‘logique’ vu l’inflation élevée, mais qui n’en serait pas moins prise à contrecœur dans un contexte de faible croissance.
Morale de l’histoire pour la couronne? Pour l’instant, les ventes sur le marché des changes/achats de SEK créent un plancher sous la devise. Mais si les mesures monétaires nécessaires ne suivent pas, ces opérations ne feront sans doute que retarder l’inévitable. Surtout dans un contexte de faible croissance, la couronne aura du mal à tenir tête aux taux (réels) plus élevés au niveau mondial. Nonobstant la politique de gestion du risque basée sur le marché des changes, la zone EUR/SEK 11,50/40 constitue un niveau de support solide.