Taux américains et dollar sur la défensive
Les taux d’intérêt américains et le dollar sont sous pression ces derniers jours. En quatre jours, le dollar pondéré des échanges commerciaux (DXY) est passé de 103,17 à 100,52. La situation technique s’est considérablement détériorée en raison de la rupture au-delà d’un important niveau de support aux alentours de 100,8. La voie vers 98,98 – le contre-mouvement de 61,8 % sur la hausse du DXY entre 2021 et loin dans 2022 – est ouverte. Sur le même laps de temps, le cours EUR/USD est passé d'un niveau légèrement inférieur à 1,09 à 1,1129 à la clôture hier. Le sommet annuel précédent de 1 095, qui date d'avril, est tombé. La route vers 1,1274 est ouverte. Le billet vert doit même s'incliner vis-à-vis de la devise japonaise. Jusqu’il y a peu, le yen flirtait avec la barre de 145 USD/JPY. En septembre de l’année dernière, les instances japonaises compétentes étaient intervenues sur le marché des changes afin de limiter les dégâts sur le yen. Les autorités poussent aujourd'hui un soupir de soulagement, car le cours USD/JPY a chuté de +/- 145 à un peu plus de 138.
Jeudi dernier, le taux américain à deux ans s’est brièvement établi à 5,12 %. Il s’agit du niveau le plus élevé de ce cycle (et de ces 17 dernières années), au-dessus du pic enregistré juste avant la crise des banques régionales. Depuis, les obligations d’État américaines à deux ans affichent un taux d'environ 4,7 %. Les taux d’intérêt ont également fortement reculé sur les durées plus longues. Fin de la semaine dernière, le taux à dix ans n'avait pas réussi à dépasser le sommet de 4,09 % atteint en mars. Aujourd’hui, la référence teste une zone de support autour de 3,80 %.
Cette correction à la baisse a débuté vendredi dernier. Le premier coup est venu du rapport sur le marché de l’emploi américain (pour le mois de juin). Cela faisait 14 mois (!) que la croissance de l'emploi dépassait, parfois largement, les attentes. Il n'y aura pas eu de 15e fois. En outre, les chiffres des deux mois précédents ont été revus à la baisse. Un autre uppercut a été reçu hier avec les chiffres de l’inflation américaine pour le mois de juin. Ceux-ci ont manqué le consensus par le plus petit écart : tant l’inflation générale que l’inflation de base ont augmenté de 0,2 % sur une base mensuelle, contre 0,3 % attendu. Dans la comparaison annuelle, les deux indicateurs ont reculé à respectivement 3 % et 4,8 %. Les analystes avaient tablé sur 3,1 % et 5 %. Il ne s’agit que de différences d’arrondi, mais celles-ci ont néanmoins provoqué une réaction disproportionnée du marché.
Quelques exemples de ce que nous avons pu entendre : « le président de la Fed, Jerome Powell, a battu l’inflation ! » ; « encore une hausse de taux en juillet, et le tour sera joué ». Nous avons même entendu quelqu'un plaider pour des baisses de taux en invoquant un refroidissement du marché de l’emploi.
Tant le rapport sur le marché de l’emploi que les chiffres de l’inflation méritent tout de même d'être nuancés. En ce qui concerne le premier indicateur, avec 209 000 nouveaux jobs, la création d’emplois reste toujours plus qu’honorable. En outre, la croissance salariale s’est contre toute attente stabilisée à un niveau supérieur à la moyenne de 4,4 % et les heures de travail ont augmenté.Pas vraiment des signes qui indiqueraient que le marché de l’emploi est en train de craquer. Quant au recul de l’inflation, il en dit au moins tout autant, si pas plus, sur la dynamique de l’année dernière que sur celle actuellement en cours. En juin 2022, l’inflation générale avait atteint un record sur 40 ans de 9,1 % en glissement annuel, grâce à une hausse mensuelle de 1,2 % (énergie). L’inflation de base avait gonflé de 0,6 % en glissement mensuel. Ces deux hausses considérables faussent considérablement la comparaison en glissement annuel. C'est que l'on appelle les effets de base, qui ont eu leur impact maximum dans les chiffres du mois de... juin. Reste à voir quel sera le rythme de la désinflation à partir de maintenant. Une simple extrapolation permet déjà d'y voir beaucoup plus clair. Si l’inflation de base continue de grimper au rythme modéré actuel de 0,2 % en glissement mensuel, le chiffre annuel de juin 2024 sera toujours supérieur à 2,4 %, soit plus que l’objectif de 2 % de la Fed.