Fin de règne pour le président Erdogan?
Le week-end prochain sera un week-end mémorable pour la population turque. En effet, ce sont les élections présidentielles et parlementaires. Quel que soit le résultat, leur impact se fera sentir non seulement en Turquie, mais aussi bien au-delà des frontières nationales.
Course très disputée
D’après les sondages, la course à la présidentielle sera extrêmement serrée. Tant le président en exercice Erdogan que son principal challenger Kılıçdaroğlu (soutenu par une alliance de 6 partis) peuvent s’attendre à remporter environ 46% des voix. Pour être élu au premier tour, un candidat doit obtenir au moins 50% des voix. Il y a donc de fortes chances qu’un deuxième tour doive être organisé le dimanche 28 mai. En ce qui concerné les élections législatives, le parti AKP du président Erdogan serait actuellement en tête (environ 35% des voix), talonné par le parti CHP de Kılıçdaroğlu (environ 30% des voix).
Inflation, crise monétaire et réformes
Les observateurs s’attendent à une participation record ce dimanche. L’importance accordée aux élections est en grande partie due à l’inflation galopante (voir graphique) et à la crise monétaire qui a fortement ébranlé le pouvoir d’achat de la population turque. Les deux problèmes ont été aggravés par la politique monétaire peu orthodoxe du président Erdogan. Les abaissements successifs des taux d’intérêt en dépit de l’inflation ont fait fuir les capitaux étrangers (et nationaux), soumettant la lire turque à une forte pression à la baisse. En s’efforçant de soutenir la devise, la banque centrale a considérablement entamé les réserves de change. Cette situation est intenable à long terme. Quoi qu’il en soit, la politique monétaire devra donc être adaptée sous le nouveau gouvernement; mais la normalisation devrait être beaucoup plus rapide et plus poussée si l’opposition l’emporte.
Sur le plan institutionnel aussi, une victoire de l’opposition aurait des conséquences profondes. Elle veut mettre fin à la toute-puissance de la présidence et restaurer l’indépendance de la banque centrale et du pouvoir judiciaire. En outre, elle veut accroître l’indépendance de la presse, lutter contre la corruption et rétablir la liberté d’expression.
Le monde entier regarde
L’impact de ces élections se manifestera bien au-delà des frontières de la Turquie. Le pays est un membre important (et souvent dissident) de l’OTAN. Sous la présidence d’Erdogan, les tensions entre la Turquie et l’Occident se sont accrues et esprits se sont échauffés à plusieurs reprises au sein de l’Alliance atlantique. Il y a peu, la Turquie a encore exigé des concessions de l’OTAN en échange de son soutien au front commun de l’Occident face à la Russie. Par ailleurs, la Turquie joue un rôle pivot pour limiter l’afflux de réfugiés vers l’UE, un levier que le président Erodgan a déjà exploité à plusieurs reprises lors des négociations avec l’UE. Si Kılıçdaroğlu remporte la présidence, il est probable que les relations entre la Turquie et l’Occident s’amélioreront.