L’inflation reste la priorité absolue de la CNB
La banque centrale tchèque (CNB) se trouve aux avant-postes de l'orthodoxie dans la lutte contre l’inflation. Celle-ci se montre plus tenace que prévu, surtout avec l’invasion russe qui continue de faire grimper les prix (des matières premières). La priorité de la CNB reste cependant la même : ramener l’inflation à l’objectif de 2 % le plus rapidement possible.
Pour ce faire, la banque a relevé son taux directeur de 50 points de base à 5,0 % hier. Deux des sept membres du conseil ont voté en faveur d’un statu quo. D’un autre côté, le gouverneur, Jiří Rusnok, a déclaré lors de la conférence de presse qu’un relèvement de 75 points de base avait également été envisagé. En effet, l’inflation affichait déjà avant l'invasion russe de l'Ukraine une hausse nettement plus importante que celle prévue en décembre ( 11,1 % en février), en raison de la montée des prix alimentaires et des prix réglementés. Et elle continuera à progresser dans les prochains mois et devrait rester élevée jusqu'à la fin de l’année. La politique doit donc être beaucoup plus stricte qu’on ne le pensait en décembre et les taux d’intérêt devront également rester élevés plus longtemps. La banque a néanmoins précisé que la décision prise hier n'offre qu'une réponse partielle face à l’impact direct de la crise en Ukraine sur les prix. En théorie, elle aurait donc pu faire plus. Bien que la CNB ne disposait pas de nouvelles prévisions, elle estime désormais que le taux de croissance devrait être environ deux fois moins élevé que celui de 3,0 % initialement prévu cette année.
Le contexte, au niveau tant de l'inflation que de la croissance, demeure extrêmement incertain. En mai, la CNB disposera de nouvelles prévisions détaillées. Nos collègues de Prague tablent sur une possible nouvelle accélération de l’inflation en direction de 14 % au cours des prochains mois. Avec l’inflation comme priorité absolue, cela justifierait-il une nouvelle forte hausse des taux (75 pb ?) ? D’ici le 5 mai, beaucoup de choses peuvent évidemment encore se passer, tant dans un sens positif que dans un sens négatif. Le marché anticipe d’ores et déjà un ou plusieurs relèvements, qui feront grimper le taux directeur jusqu'à 5,75 %-6,0 %.
Outre la politique monétaire, le rôle des interventions sur le marché des changes dans l’arsenal à la disposition de la banque a aussi été examiné avec plus d'attention que d'habitude. La CNB utilise cette arme avant tout pour lutter contre la volatilité/l’instabilité financière indésirable. Pour l’instant, aucun débat approfondi n'a été mené sur la mise en œuvre des réserves massives de la CNB sous la forme d’achats "structurels" de couronnes dans le but de contenir l’inflation. Tout est encore possible, mais la banque doit encore analyser la situation de plus près et se donner le temps de préparer une intervention de ce type. Jusqu’à nouvel ordre, elle mènera donc sa lutte contre l’inflation avec l’arme des taux.
Qu'est-ce que cela signifie pour la couronne ? L'aversion pour le risque (dans la région) a provoqué une forte correction en fin février/début mars. La double ligne de défense composée d’une politique monétaire orthodoxe (solide soutien des taux) et de réserves de change très importantesa permis de récupérer la quasi-totalité de ces pertes. En l’absencede nouvelle escalade dans le conflit en Ukraine, la couronne pourrait rester forte. Le plancher de l'année (plafond pour la couronne) de 24,09 constitue le prochain seuil sur les graphiques techniques. Le fait que d’autres banques centrales (y compris la BCE) resserrent leur politique pourrait freiner l'appréciation de la devise tchèque. Cependant, le contexte économique et surtout le cadre monétaire orthodoxe restent des facteurs structurels positifs pour la couronne.