La Fed plus longtemps sur la touche
Cette semaine, la banque centrale américaine monopolisera l'attention. La Fed a changé son fusil d'épaule en début d'année. Le président Powell a désactivé le pilotage automatique du programme d'allègement du bilan pour s'installer aux commandes. Au lieu des relèvements des taux d'intérêt qu'elle envisageait d'opérer sur une base trimestrielle, la Fed a choisi de rester dans l'expectative. La patience est manifestement à la mode de l'autre côté de l'Atlantique également.
L'année dernière, l'économie américaine a été la seule à parvenir à prolonger la haute conjoncture globale de 2017. Elle le devait principalement à l'incitant fiscal du président Trump. Selon la théorie économique, une telle accélération de la croissance se traduit par une hausse de l'inflation, en particulier lorsqu'elle coïncide avec une pénurie sur le marché du travail. La Fed avait donc décidé d'anticiper en opérant des relèvements des taux d'intérêt à un rythme "soutenu". L'allègement du bilan a pour sa part atteint une vitesse de croisière de 50 milliards de dollars par mois. Depuis le dernier trimestre de l'année passée, la haute conjoncture s'essouffle aux États-Unis également. Le caractère international du ralentissement de la croissance pèse sur le PIB américain. Un modèle reconnu de la Fed d'Atlanta estime la croissance du premier trimestre à seulement 0,4% en base annuelle. La crainte d'une stagnation économique et la pression inflationniste restreinte retiendront sans doute plus longtemps la Fed d'agir. La progression de l'inflation est tout juste supérieure à l'objectif de 2%. La plupart des membres de la Fed ont désormais l'intention d'attendre une envolée de l'inflation pour réagir plutôt que d'anticiper sur un tel scénario.
À la fin de chaque trimestre, les gouverneurs de la Fed ont l'occasion de faire part individuellement de leur vision sur les perspectives de croissance et d'inflation et sur le taux directeur à leur avis approprié. En décembre, la médiane des prévisions au sujet de la future politique de la Fed en matière de taux d'intérêt est passée de 3 relèvements des taux d'intérêt en 2019 à seulement 2. La médiane du nombre total de relèvements des taux d'intérêt attendus pour ce cycle est retombée de 4 à 3. Nous pensons que les perspectives inférieures en termes de croissance et d'inflation vont inciter la Fed à tabler sur un rythme encore moins soutenu. Plus précisément, nous partons du principe que la Fed gardera ouverte l'option d'un seul nouveau relèvement des taux d'intérêt en fin d'année. Une intervention qui marquerait alors d'emblée la fin du cycle de durcissement (aucun relèvement des taux d'intérêt en 2020). Le marché des taux d'intérêt à court terme tient même compte d'un scénario dans lequel le taux directeur aurait déjà atteint son pic aujourd'hui et serait susceptible d'être abaissé l'année prochaine.
Le président de la Fed, Jerome Powell, mettra aussi plus rapidement que prévu un terme à l'allègement du bilan. Nous pensons que d'ici la fin 2019, la banque centrale américaine aspirera à nouveau à un bilan stable plutôt que décroissant. De cette manière, elle parviendra en effet à maintenir à un niveau constant les liquidités sur le marché. Depuis le début de l'allègement entrepris fin 2016, le total du bilan de la Fed a diminué d'environ 4500 milliards de dollars à 4000 actuellement.
À l'approche de la réunion de la Fed, les taux d'intérêt américains et le dollar restent sur la défensive. Le taux américain à 10 ans a perdu un soutien intermédiaire aux alentours de 2,61% et poursuit sa baisse en direction du bas de la fourchette de fluctuation actuelle, aux environs de 2,50%. Le différentiel EUR/USD laisse entrevoir depuis le début du mois une progression constante, de 1,12 à 1,1350. Il est probable que le marché tienne peu à peu compte du scénario "soft" de la Fed. Les bourses américaines ont profité du virage amorcé par Jerome Powell en début d'année et ont depuis lors engrangé des gains de l'ordre d'un peu plus de 15%. Pour autant que la croissance ne retombe pas totalement au point mort, l'attitude expectative des banquiers centraux et les rebondissements sur la scène géopolitique garantissent un apport d'oxygène suffisant.