Janvier en textes et en images: un paysage redessiné
La Fed a jeté l'éponge et la BCE est sur le point de faire de même. La première ministre britannique Theresa May fait exploser les ponts du Brexit pour sauver son propre parti conservateur de l'implosion, et l'on peut dire que le président Trump a perdu une bataille contre les Démocrates. Les surprises étaient assurément au rendez-vous en ce début d'année, reste à voir à présent quelle influence elles exerceront sur les marchés dans les semaines à venir.
Davantage qu'un ralentissement de la croissance?
Temporaire ou permanent? Telle est la question qui occupe les banquiers centraux au quotidien. Le ralentissement de la croissance est-il temporaire ou est-il en train d'acquérir un caractère durable? Provisoirement, les statistiques économiques plaident encore en faveur du caractère temporaire, en particulier aux États-Unis. Le marché, en revanche, est convaincu de la nature permanente du phénomène. Tant du côté de la BCE que de la Fed, les perspectives étaient un tantinet pessimistes ce mois-ci. Les deux banques centrales admettent volontiers que l'avenir (proche) est empreint d'une grande incertitude. Elles quittent la scène pour se fondre dans le public. Attendre, interpréter et entretemps adopter une stratégie prudente. La BCE a implicitement reporté le moment fatidique au 7 mars. D'ici là, elle disposera de nouvelles perspectives en matière de croissance et d'inflation. Des révisions à la baisse sont probables et susceptibles de modifier la stratégie de communication. Draghi et les siens affirment ne pas avoir l'intention de modifier les taux directeurs d'ici la fin de l'été, au plus tôt. Vu le contexte actuel, ce délai pourrait même être prolongé. La Fed n'a pas tergiversé autant et a d'emblée joué carte sur table. Les nouveaux relèvements des taux d'intérêt sont reportés sine die. En outre, la banque centrale n'a plus l'intention de procéder à l'allègement du bilan en mode de pilotage automatique. Le rythme de l'assèchement des liquidités n'est plus fixé de manière immuable.
Figure - Taux swap européen à 10 ans: canal latéral entre 0,6% et 0,8%
Peu de potentiel du côté des taux d'intérêt
Partant du point de vue des marchés, les actions des banquiers centraux éliminent à court terme, sauf surprises (p. ex. des incitants fiscaux en Allemagne, une pression inflationniste inattendue…), toute pression à la hausse digne de ce nom sur les taux d'intérêt, que ce soit aux États-Unis ou au sein de l'UE. Une évolution latérale est donc le scénario le plus probable. Les graphiques du taux swap européen à 10 ans trahissent un canal latéral se situant entre 0,6% et 0,8%. Pour les taux américains à long terme, nous tablons sur 2,5% et
2,8%. À court terme, la courbe a plus de chances de flirter avec la limite inférieure de ces fourchettes qu'avec leur plafond. Comme l'extrémité courte de la courbe est bétonnée pour plus longtemps dans la zone euro et que l'on ne s'attend plus à des relèvements des taux d'intérêt aux États-Unis, la courbe des taux va donc sans doute s'aplanir dans un premier temps.
Sur le marché des changes, nous craignons que le différentiel EUR/USD ne continue à s'enliser. Le revirement de la Fed hypothèque le franchissement du cap de 1,10 EUR/USD. Nous misons sur une hausse prudente au sein de la fourchette de 1,12-1,16.
Figure - EUR/USD: tendance à la hausse au sein de la fourchette de 1,12-1,16
L'option "put" de la Fed et le risque lié aux événements
Nous surveillons également les bourses. La nouvelle option "put" de la Fed offre en principe un appui solide en dépit des obstacles potentiels. Le 15 février marquera la fin de l'accord temporaire qui sous-tend la réouverture des services publics américains. Le 1er mars, de nouvelles taxes sur les importations de biens chinois seront introduites si aucun accord commercial n'intervient entre les deux grandes puissances. Elles sont surtout susceptibles d'influencer la perception du risque en Bourse, mais nous pensons que la contagion d'autres marchés restera limitée grâce à la politique menée par la Fed et la BCE. Idem pour les statistiques économiques qui paraîtront dans les semaines à venir. L'attitude des banquiers centraux signifie que ces données n'auront aucune influence sur leurs actions à court terme, ce qui leur fait perdre toute leur force. De plus, les chiffres en provenance des États-Unis seront faussés par les effets du "shutdown" temporaire et de la vague de froid qui paralyse en ce moment une partie de l'économie. À ce rythme-là, l'interprétation des données américaines promet d'être complexe…
Figure - S&P 500 américain: l'option "put" de la Fed aura-t-elle le pouvoir de neutraliser le risque lié aux événements?
"Managed no deal Brexit"
L'accord final se réserve pour le chant du cygne de Theresa May. Au dernier moment, les Conservateurs britanniques se sont ralliés au compromis "Malthouse". Dans la pratique, ce compromis prévoit dans un premier temps la mission quasi impossible consistant à demander à l'Europe des concessions/garanties au sujet du "backstop" irlandais. Si Theresa May n'y parvient pas, le plan prévoit un report de la date butoir du Brexit en vue de définir les modalités de la séparation en fonction des règles de l'OMC. Un "managed no deal Brexit", en quelque sorte. La livre a grimpé à une vitesse vertigineuse en janvier du fait qu'une initiative conjointe des différents partis a longtemps semblé devoir l'emporter. La manœuvre surprenante des Conservateurs a fait que le différentiel EUR/GBP s'est finalement échoué contre le rempart de 0,86. La perspective d'un "managed no deal Brexit" aura plutôt tendance à freiner la livre. Nous nous attendons à nouveau à une progression au sein de la fourchette de 0,86-0,91.