Des attentes très élevées pour Draghi
Jeudi, Mario Draghi présidera sa dernière réunion assortie de nouvelles prévisions. Pour la Banque centrale européenne (BCE), c'est généralement le moment idéal pour ajuster les paramètres de sa politique monétaire. Il ne fait aucun doute que la banque abaissera, pour la première fois depuis longtemps, son taux directeur. Draghi prépare déjà depuis longtemps les investisseurs à ce scénario. Seule l'ampleur de la baisse de taux fait encore l'objet de discussions: 10 ou 20 points de base? Nous misons plutôt sur 10pb, car nous pensons que l'opposition (des Allemands et des Néerlandais) à un assouplissement plus important est encore trop grande. L'utilité marginale d'une baisse de taux est en outre devenue limitée et nous nous approchons du point où les effets secondaires indésirables des taux (encore plus) négatifs risquent de prendre le dessus. Ce débat est déjà en cours au sein de la BCE depuis quelques mois et va probablement se traduire de manière concrète ce jeudi. En témoigne une réponse donnée par Draghi après la réunion de politique de juillet: "So we had that discussion as well and now the statement says that if we are to lower interest rates, that will come with mitigating measures. That is quite clear.” Concrètement, cela signifie qu'une partie des dépôts des banques auprès de la BCE ne sera probablement plus pénalisée par des taux négatifs.
Dans notre scénario de base, la BCE adaptera aussi sa "forward guidance". Le marché anticipe déjà en grande partie l'éventualité de taux (encore) plus bas pendant (encore) plus longtemps. Les avis sont en revanche plus partagés sur un éventuel redémarrage de l'assouplissement quantitatif. Nous ne sommes pas convaincus que Draghi décidera de relancer tout de suite le programme d'achats nets d'obligations d'État. L'élément de rareté pèse plus que jamais dans la balance. Et le fait de chipoter aux paramètres pour y remédier devrait se heurter à pas mal de résistance en interne. Est-ce d'ailleurs encore le rôle d'un président sur le départ?
Nous sommes relativement prudents dans nos prévisions relatives à une intervention de la BCE. Il ne faut néanmoins pas oublier que Draghi est étiqueté comme une colombe sur le plan monétaire. Dans le passé, il a déjà à plusieurs reprises surpris par son attitude très accommodante. D'un autre côté, le marché a déjà été très loin dans ses anticipations ces dernières semaines. Hier, nous avons cependant assisté à un repositionnement vers plus de prudence: les taux allemands ont gagné jusqu'à 7pb, surtout sur la partie longue de la courbe. Notamment en raison de rumeurs de plus en plus insistantes évoquant des mesures de relance budgétaires en Allemagne. Nous pensons aussi toutefois que le marché a voulu atténuer des attentes particulièrement élevées pour jeudi. Nous restons cependant persuadés que Draghi et les siens auront du mal à aller au-delà des attentes. Hier, le taux à dix ans allemand a déjà franchi un premier niveau de résistance (intermédiaire) de -0,61%. Jeudi, la BCE pourrait confirmer cette rupture. Si Draghi ne parvient en effet pas à satisfaire les attentes, cela aura naturellement aussi des conséquences sur le cours EUR/USD. Une reprise au-dessus de 1,11 fera alors certainement partie des possibilités. La semaine prochaine, ce sera au tour de la Fed de se réunir. Celle-ci aura alors l'occasion de "répliquer".