Shorten déchoit: l’Australie mise sur Morrison
Contre toute attente, la coalition libéral-national du Premier ministre Scott Morrison a remporté les élections australiennes. Le Parti travailliste du leader d’opposition Bill Shorten n’a finalement pas concrétisé son avance confortable dans les sondages d’opinion. Après s’être lancé dans une course de rattrapage féroce, le Premier ministre conservateur Morrison est parvenu à décrocher un troisième mandat pour sa coalition. Face aux incertitudes économiques actuelles, la population australienne a ainsi préféré faire une croix sur l’agenda progressiste du Parti travailliste.
Le Parti travailliste s’était présenté aux élections avec l’agenda le plus progressiste depuis des décennies. Le programme comportait notamment des réductions d’impôts pour les personnes à faibles revenus, une augmentation du salaire minimum, des restrictions sévères des émissions et le démantèlement d’avantages pour les propriétaires terriens et les investisseurs en actions. La coalition libéral-national a fortement critiqué cet agenda et mis en garde contre l’expansionnisme dans le contexte actuel d’incertitude économique. Elle y a opposé une politique axée sur des réductions d’impôts ciblées visant à soutenir l’économie. Outre les dépenses des consommateurs, le Parti veut encourager l’achat d’une première habitation. En net contraste avec le programme très soucieux de l’environnement du Parti travailliste, Morrison mène une politique climatique moins ambitieuse: il entend soutenir les mines de charbon et même consacrer des fonds fiscaux à la construction d’une nouvelle centrale, ce qui lui a attiré des votes précieux dans les états producteurs de charbon.
Selon les médias australiens, la coalition est en voie de remporter 77 des 151 sièges de la Chambre basse. Le Parti travailliste n’en obtient que 68. Au Sénat également, la coalition semble bien partie pour renforcer sa position. Cela facilitera la mise en œuvre de son agenda législatif, ce qui sera nécessaire: l’économie australienne progresse de manière ininterrompue depuis déjà 28 ans, mais les dangers se multiplient. La croissance économique est demeurée faible au second semestre de 2018, le marché immobilier s’essouffle fortement et tant le revenu disponible des ménages que la relation avec la Chine – le principal partenaire commercial de l’Australie – sont en berne. Pour le premier trimestre de 2019, les analystes s’attendent au taux de croissance le plus faible depuis la crise financière de 2008.
Les marchés n’ont pas déploré ce surprenant résultat électoral. La victoire de la coalition libéral-national améliore de fait la stabilité économique par rapport au programme du Parti travailliste, moins favorable au marché et aux entreprises. Les cours des actions australiennes ont augmenté, à l’instar du dollar australien: sur la défensive depuis mi-avril après le recul de l’inflation au premier trimestre de cette année, la devise profite à présent du résultat et le cours AUD/USD s’est rétabli au-dessus de 0,69. La réaction de la banque centrale australienne demeure toutefois floue. Des spéculations persistantes relatives à un éventuel abaissement du taux contrecarrent d’ores et déjà tout regain supplémentaire du dollar australien.
Dieter Lapeire, salle des marchés KBC