Mission impossible ? Une mission positive du FMI invite la Belgique à davantage d'action

Le Fonds monétaire international (FMI) évalue tous les ans la situation économique de chacun de ses membres, à l’occasion d’une mission exécutée au titre de l’Article 4. Ce mois-ci, c’est sur le cas de la Belgique que s’est penchée sa délégation, dont le rapport provisoire se révèle fondamentalement bon. Le document salue un certain nombre d’évolutions positives de la situation économique de la Belgique, de même que des décisions politiques récentes. Le chemin menant à une croissance potentiellement plus vigoureuse reste toutefois long et truffé d’embûches. Le FMI en appelle donc à une approche structurelle à long terme des investissements, à des réformes fiscales et à une gestion tenable des finances publiques. Or la complexité du contexte institutionnel belge rend très improbable le succès de ces recommandations.

Merci au monde

Économie ouverte de petite taille, la Belgique profite pleinement du redressement de la conjoncture mondiale. Le FMI table sur une accélération, de 1,75% cette année à près de 2% en 2018, de la croissance réelle de son PIB, des chiffres légèrement supérieurs aux prévisions de KBC. Cette évolution engendre une série d’effets positifs, à commencer par l’amélioration du marché de l’emploi et le recul du déficit budgétaire : la situation s’améliore nettement sur ces deux plans depuis peu. En plus de provoquer une baisse du chômage, l’amélioration du marché de l’emploi contribue à maintenir sous contrôle le coût du vieillissement de la population, puisque celle-ci reste active plus longtemps. Quant au recul du déficit budgétaire, il est indispensable à la préservation des finances publiques sur le long terme.

Bravo pour les réformes

La délégation n’a pas manqué d’évoquer une série de réformes récentes qui, conjuguées à l’amélioration de la conjoncture internationale, soutiennent le redressement économique du pays. Elle fait l’éloge de la réforme des pensions, du saut d’index, de l’allégement de la fiscalité sur le travail induite par le tax shift, et de la réforme de l’impôt des sociétés. Le rapport contient toutefois également un certain nombre de recommandations de nature fiscale. Il estime nécessaire de continuer à alléger l’imposition sur le travail, tout en soutenant davantage la politique fiscale en faveur des investissements verts et de l’innovation. Il plaide en tout état de cause pour que toute réforme fiscale soit neutre sur le plan budgétaire, et axée sur la croissance.

Les grandes priorités économiques

Les évaluations positives exposées ci-dessus n’ont pas empêché le FMI d’insister sur la nécessité de poursuivre la politique de réformes, pour s’attaquer à un certain nombre de problèmes tenaces. Le Fonds cite quatre grands défis économiques, au sujet desquels il exprime des recommandations. Il est premièrement nécessaire de poursuivre les efforts d'allègement de la dette publique. Avec un endettement de plus de 100% du PIB, cette question est une des principales priorités du pays. Le Fonds est cela dit partisan d’une approche progressive de la question. Remarquons qu'il ne fait pas mention des risques fondamentaux qu’entraîne une dette publique élevée. La capacité de résistance de l’économie belge n’est en effet pas à toute épreuve, surtout pas en cas de récession ou de nouvelle crise. Deuxièmement, le FMI recommande à l’État, malgré la question du déficit budgétaire, d’investir davantage. Les dépenses publiques sont certes considérables, mais la Belgique investit trop peu au regard des critères internationaux. Cette remarque est naturellement liée à celle sur l’état des finances publiques. L’endettement freine les investissements structurels. Des dépenses publiques plus efficientes contribueraient déjà à résoudre une partie du problème, mais le document plaide en faveur de réformes profondes à tous les niveaux de l’État. Les dépenses doivent reculer pour permettre au pays de combler son retard en termes d’investissements publics, sans alourdir la fiscalité et l’endettement.

Troisièmement, le Fonds constate que le marché de l’emploi reste problématique. Malgré l’amélioration de la conjoncture, il demeure fragile et fragmenté. Les groupes vulnérables, comme les migrants en provenance de pays non-membres de l’Union européenne et les personnes peu qualifiées, sont insuffisamment intégrés. La question de l’inadéquation des compétences (déséquilibre entre profils demandés et profils disponibles) reste une pierre d'achoppement. Enfin, les différences régionales demeurent particulièrement marquées. Et pourtant... Nul ne peut nier que de très nombreuses mesures ont été prises pour résoudre ces problèmes, en particulier celui de l’inadéquation des compétences, qui demeure il faut bien le dire un défi majeur pour tous les gouvernements et pour de nombreux domaines politiques. Si le recul du chômage en Wallonie et à Bruxelles est encourageant, en termes absolus, les écarts régionaux sont loin d’être comblés.

Enfin, la faiblesse de la croissance de la productivité inquiète les observateurs. Il s’agit certes d’une difficulté qui touche toutes les économies occidentales, mais une combinaison de facteurs la rend plus aiguë encore en Belgique. Ses deux principales causes sont l’absence de concurrence dans un certain nombre de secteurs tertiaires et, une fois encore, le manque d’investissements publics. L’économie belge évoluant actuellement au rythme de sa croissance potentielle, il est indispensable d’accélérer la productivité si on veut lui permettre de passer structurellement à la vitesse supérieure.

Ce qu’il faut en retenir

Que faut-il retenir de ce rapport ? Fondamentalement, le FMI appelle le secteur public belge à faire preuve de plus de parcimonie, pour pouvoir investir davantage. La recette est claire, et peu surprenante. C’est d’ailleurs le message qui avait été adressé aux pays du Sud de l’Europe après l’éclatement de la crise financière. L’excellente santé de son économie met la Belgique en mesure de prendre ces défis à bras le corps. Mais il faut également comprendre des conclusions du FMI que c’est tout le secteur public qui, fondamentalement, doit commencer à travailler autrement. Économiser sur les dépenses exige de faire des choix douloureux, et nombreux sont les domaines politiques qui seront affectés. La mise en œuvre des recommandations du FMI sera donc tout sauf facile. Les auteurs du rapport en sont conscients, eux qui recommandent de procéder progressivement, même si la conjoncture actuelle pourrait permettre d’agir rapidement. Notons également que le document ne tient pas compte, dans ses conclusions, des risques internationaux, comme le Brexit, l’inconséquence de Donald Trump et les conflits géopolitiques. Une politique de réformes progressive exige une approche à long terme des questions des dépenses et des investissements. Les débats sur la politique énergétique qui ont récemment secoué le pays montrent à quel point il est difficile, chez nous, de s’entendre sur les grands thèmes. Tout porte donc à croire que le FMI sera appelé à répéter plusieurs fois son message dans les années qui viennent.

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