Notation hongroise sous pression
Le forint hongrois continue d'évoluer autour de ses niveaux les plus bas depuis fin 2022 (EUR/HUF 415), malgré tout le négativisme qui entoure la monnaie unique européenne. La semaine dernière, nous avons mis en garde contre la « tempête parfaite » qui se développait au-dessus de l’Europe centrale, en mettant surtout l’accent sur le contexte international. Vendredi soir, l’agence de notation Moody's a ajouté un avertissement à propos de la situation à l'intérieur du pays.
Moody's a en effet fait passer de « stable » à « négative » la perspective associée à la note de la dette souveraine hongroise « Baa2 » . Le risque d'une dégradation à Baa3, le dernier palier avant la catégorie spéculative est donc bien présent. Moody's pointe surtout les conséquences de l’impasse avec l’Europe. La Hongrie risque de perdre définitivement les quelque 20 milliards d'euros de fonds européens qui sont actuellement gelés. La Commission européenne s’inquiète de la situation de l’État de droit en Hongrie. Sous la houlette du Premier ministre Viktor Orban, celle-ci s’éloigne de plus en plus des valeurs et des normes européennes. Nous pensons notamment au contrôle des médias, à la restriction de l’indépendance du pouvoir judiciaire, au laxisme face à la corruption ou à l’ingérence du politique dans la banque centrale (MNB). Pas plus tard que fin de la semaine dernière, Orban a par exemple nommé son fidèle ministre des Finances, Mihaly Varga, pour succéder à Gyorgy Matocsy à la tête de la Magyar National Bank. Varga a beau avoir servi de gage budgétaire au sein du gouvernement magyar, la question est tout de même de savoir s'il pourra résister aux pressions exercées par Orban et de son ministre de l’économie, Martin Nagy. C’est surtout ce dernier qui plaide en faveur d'une politique monétaire souple qui viendrait compléter une politique budgétaire déjà accommodante, dans le but de soutenir la croissance. Le parti Fidesz a un écart de 10 points de pourcentage à combler dans les sondages d’opinion relatifs aux législatives de 2026 et n'hésite pas à recourir au levier fiscal, malgré sa position de départ défavorable. Une combinaison qui ne pourrait pas être pire pour les actifs hongrois.
Tant que la Hongrie ne satisfait pas au test sur l’État de droit de la Commission, les subventions européennes resteront bloquées à Bruxelles. Moody's craint que les prévisions économiques du gouvernement hongrois soient beaucoup trop optimistes, surtout sans coup de pouce européen. L’agence de notation table sur une croissance du PIB de 1,9 % en 2025, comparé à 3,4 % dans la proposition de budget hongroise. S&P (BBB-) avait, elle aussi, déjà mis en garde contre une vision trop positive de l’économie. Vendredi, ce sera au tour de Fitch de se prononcer. Depuis janvier 2023, l'agence assortit sa notation BBB d'une perspective négative. En règle générale, une telle perspective débouche dans les 24 mois sur une dégradation de la note ou sur un retour à un niveau stable. Le risque d’une baisse de notation est donc bien réel.
Peter Magyar, le chef du plus grand parti d’opposition Tisza, qui, à l'image de Donald Tusk en Pologne il y a un peu plus d’un an, veut mettre fin au nationalisme triomphant qui règne depuis longtemps dans le pays en prônant un discours pro-européen, montre qu'une autre voie est possible. La première décision de Magyar serait de se conformer aux règles européennes afin de pouvoir bénéficier des fameuses subventions. Contrairement à Orban, il est demandeur d’une échéance pour une éventuelle adhésion à la zone euro. Selon Magyar, tant les marchés que les dirigeants d’entreprises et les consommateurs aspirent à un taux de change stable. Nous craignons néanmoins que forint ne continue de rimer avec volatilité au moins jusqu’au scrutin d’avril 2026.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC