La Banque d’Angleterre manœuvre délicatement
Hier, la Banque d’Angleterre a décidé de laisser son taux directeur inchangé à 5,25 %. La décision n’a de nouveau pas été prise à l'unanimité, mais l'équilibre des voix a tout de même évolué. En novembre et décembre, trois des neuf membres disposant du droit de vote avaient voté en faveur d'un relèvement de 25 points de base. Hier, ils n'étaient plus que deux. Un autre membre du comité de politique a même voté pour une baisse de taux de la même ampleur.
Le président de la BoE, Andrew Bailey, a ensuite parfaitement bien mené sa barque sur les marchés. Contrairement à ses collègues Lagarde et, surtout, Powell, il s’est bien gardé de ne pas évoquer ouvertement de futurs abaissements de taux. En évitant ce piège, la BoE conserve sa crédibilité dans sa lutte contre l’inflation. L’inflation britannique a culminé à un niveau plus élevé qu’aux États-Unis et dans la zone euro, et n’a commencé à reculer que plus tard. En décembre, l’inflation principale et l’inflation de base sous-jacente s’élevaient à respectivement 4 % et 5,1 % en glissement annuel. Hier, les chiffres de la zone euro pointaient des taux de 2,8 % et 3,3 % en glissement annuel pour le mois de janvier. Quoiqu'il en soit, face à ce début de ralentissement de l'inflation, la BoE a décidé d'adopter un ton plus neutre. Au lieu d'envisager encore d’autres relèvements, elle préfère aujourd'hui évaluer combien de temps le taux directeur pourra rester à son niveau actuel.
L’inflation joue ici un rôle majeur. Si celle-ci a bien commencé à diminuer, les nouvelles prévisions montrent qu'après avoir atteint l’objectif de 2 % au deuxième trimestre de cette année, elle devrait ensuite rester au-dessus de ce seuil sur l’ensemble de l’horizon politique. Les prévisions sont basées sur la trajectoire des taux actuellement attendue par le marché, avec un taux directeur de la BoE à 3,25 % fin 2026. Dans un scénario alternatif tablant sur le maintien du taux directeur à son niveau actuel de 5,25 %, l’inflation chutera durablement en dessous des 2 % au dernier trimestre de 2025. Nous supposons que la vérité se situe entre ces deux scénarios. La balance des risques autour des prévisions d’inflation se trouve maintenant en équilibre pour la BoE. Jusqu’à la fin de l’année dernière, elle craignait surtout une nouvelle accélération.
Les marchés sont restés plutôt stoïques après l'annonce de la décision de la Banque d'Angleterre. Au vu du positionnement du marché, nous en tirons tout de même quelques conclusions. Sur le marché des changes, le cours EUR/GBP est passé de 0,87 en début d'année au bas de 0,85. Le plancher de la fourchette de fluctuation observée depuis le milieu de l'année dernière (0,8493) est en vue, mais il n'a pas été testé hier. Le signal envoyé par la BoE (ne pas faire partie des premiers à abaisser ses taux, mais ne pas non plus procéder à de nouveaux resserrements) suggère que le côté GBP de la paire de devises a intégré ce qu'il fallait. Le niveau de support de EUR/GBP 0,8493 s'est renforcé. Les taux du marché monétaire britannique sont aujourd’hui – tout comme aux États-Unis et en Europe – trop agressifs en ce qui concerne la trajectoire future des taux. Le marché est partagé à 50/50 quant à la probabilité d'une première intervention à la réunion de politique du 9 mai. Nous pensons que c’est trop tôt.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC