Montagnes russes pour la livre
La livre a joué les montagnes russes en août. Par rapport à l’euro, la monnaie britannique a affiché une vigueur qu'elle n'avait plus atteinte depuis environ deux ans à la mi-juillet (EUR/GBP +/- 0,84). Par rapport au dollar américain, le cable (cours GBP/USD) a testé le seuil de 1,30 pour la première fois depuis la mi-2023. La donne a changé par la suite. La Banque d’Angleterre a abaissé son taux d’intérêt pour la première fois en début de mois. Peu de temps après, des nuages menaçants se sont accumulés au-dessus des marchés financiers, entraînant un repositionnement hostile au risque, auquel la livre n’a pas échappé. Le cours EUR/GBP est rapidement passé de 0,84 à 0,86. Le cours GPB/USD a franchi le seuil de résistance de 1,30 et a pris la direction de 1,27. Depuis, il n'y a pratiquement plus aucune trace de ces pertes. Le cable a même touché un sommet sur deux ans, dans le haut de 1,32. Nous nous intéressons aujourd'hui à ce dernier mouvement.
Celui-ci a initialement été provoqué par le rapide retour au calme sur le marché, comme en atteste l'évolution des indices boursiers en Europe ou aux États-Unis. Les facteurs domestiques ont ensuite pris le relais. Comme d’habitude, le Royaume-Uni a publié toute une batterie de chiffres économiques à la mi-août. Ces derniers ont fait état d'un marché de l’emploi solide, d'un secteur industriel et d'un commerce de détail en pleine reprise et d'une croissance robuste au deuxième trimestre. Les principaux indicateurs PMI de confiance des entreprises (août) ont été la cerise sur le gâteau. Les taux d’inflation inférieurs aux prévisions font figure d’exception à la règle, mais n’ont interrompu le rebond de la GBP que pendant un moment. L’inflation de base de 3,3 % et l’inflation des services de 5,2 % pointent en outre toujours une forte tension sous-jacente sur les prix.
La situation économique au Royaume-Uni contraste de plus en plus avec celle dans la zone euro et même celle aux États-Unis. La première stagne alors que la seconde ne cesse de ralentir. Au final, cela a poussé le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Andrew Bailey, à délivrer un message fondamentalement différent lors du symposium de Jackson Hole la semaine dernière. Si le discours tant attendu du président de la Fed, Jerome Powell, pourrait être résumé par la phrase « l'heure est venue d’ajuster la politique », celui de Bailey pourrait être résumé par la phrase « le travail n’est pas terminé ».
Sur le plan monétaire, cela signifie que la Fed et la BCE vont abaisser leurs taux en septembre, mais que la Banque d’Angleterre s'abstiendra. Le marché monétaire britannique table d’ailleurs sur une réduction cumulée de « seulement » 175 points de base (à 3,5 %) sur l’ensemble du cycle d'assouplissement. À titre de comparaison, les baisses sont attendues à 225-250 pb (3 %) aux États-Unis et à 200 pb (2 %) dans la zone euro. Ce positionnement tranché est à la base de la vigueur de la livre sterling. Mais qui dit « tranché » dit parfois aussi « unilatéral », avec le risque d’une contre-réaction. Toutefois, il n'y a aucune raison de s’opposer à la dynamique de la livre tant que l’écart avec la zone euro et les États-Unis persistera. Le cours EUR/GBP se prépare à tester le plus bas de juillet susmentionné (0,838). Dans notre scénario privilégié, cette zone de soutien technique tiendra, et donc aussi la fourchette latérale à court terme de 0,84-0,86. Une rupture à la baisse ouvrira en principe la voie vers 0,82, avec quelques arrêts intermédiaires (0,834 et 0,825). Pour le cable, un important seuil de résistance se situe autour de 1,35, mais une fois ce cap passé, la voie sera libre pour un retour au sommet de 2021 (1,425).