Avec la bénédiction du gouverneur Waller
Le gouverneur Christopher Waller est comme la boussole de la Fed. Depuis le début de l’année, l’aiguille a pour nord magnétique le principe du ‘higher for longer’, des taux plus élevés pendant plus longtemps. Sur le ton de ‘What’s the rush’ et ‘Still no rush’, le marché monétaire américain a revu à la baisse ses attentes pour cette année, de 7 abaissements de taux en janvier à moins de 2 à partir de mi-avril. Et puis, vu l’inflation persistante et la résilience du marché du travail au premier trimestre, la Fed n’a plus guère annoncé qu’un seul abaissement (de 25 pb) pour l’année lors de sa réunion de juin. Il y a environ deux mois, le gouverneur Waller évoquait la réunion de décembre comme point de départ possible d’une politique monétaire moins restrictive.
Or au deuxième trimestre, l’inflation a inopinément ralenti. Et le marché du travail approche d’un point de bascule, de la suppression de postes vacants à la suppression d’emplois. Depuis le début du mois, le marché monétaire américain se demande ainsi s’il ne faut pas attendre à plus d’abaissements (au moins deux), voire à des abaissements plus importants (disons de 50 pb), avant la fin de l’année? Hier, notre gourou lui a donné sa bénédiction: Waller prend acte de la dernière évolution en date du taux d’inflation, bien qu’il souhaite que la dynamique se confirme. Quoi qu’il en soit, nous approchons du stade où la Fed pourrait sauter le pas. Entre les réunions de juillet et de septembre, la banque centrale recevra encore deux rapports sur l’inflation. Sauf mauvaise surprise, la voie est libre et le tapis rouge déroulé pour un abaissement de taux en septembre.
Après l’intervention de Waller, l’extrémité courte de la courbe des taux américaine à 2 ans a presque entièrement effacé ses gains journaliers d’environ 6 pb. Le fait qu’il n’y ait pas eu de test, ni même de nouveaux planchers correctifs, suggère que les marchés tiennent déjà compte d’un assouplissement suffisant à l’approche de la réunion suivante de la Fed (le 31 juillet). Toutes choses égales par ailleurs, la zone de 4,4% fait office de niveau de support solide.
Sur le marché des changes, le dollar a encaissé hier des pertes techniques accélérées face au yen japonais, à la livre britannique et à l’euro. Sur une base pondérée des échanges commerciaux (DXY), la ligne de cou d’une formation de double sommet technique est tombée. La semaine dernière, le ministère des Finances japonais avait déjà profité de la faiblesse du dollar pour alléger la pression sur le cours USD/JPY (162) en procédant à des interventions sur les taux de change. Hier, la paire de devises a poursuivi son repli vers 156. Quant au Cable (GBP/USD), il a dépassé 1,30 pour la première fois en plus d’un an. Du côté britannique de l’équation, le taux d’inflation a semé le doute hier quant à la prochaine étape de la politique de la BoE. Le marché des taux britannique s’est montré divisé: à la réunion du 1er août, la BoE suivra-t-elle la BCE ou la Fed? Les marchés penchent à nouveau légèrement en faveur de la Fed (et donc d’un report). Enfin, le cours EUR/USD a clôturé au-dessus de son sommet de juin à 1,0916. Pour la suite, la paire de devises attend le verdict de la présidente Lagarde. Cet après-midi, la BCE devrait en principe évoquer la perspective d’un nouvel abaissement de taux en septembre. Le marché tient déjà compte de ce scénario. Pour les 12 mois à venir, il mise sur quatre nouveaux abaissements, à chaque fois lors des réunions qui coïncideront avec la publication de nouvelles perspectives de croissance et d’inflation (c’est-à-dire en septembre, en décembre, en mars et en juin). Pour Francfort, une telle trajectoire des taux vaut un satisfecit.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC