D'un euro faible à un dollar faible
L’euro se dégage du joug français. Les partis du centre et le bloc de la gauche ont créé un nouveau front républicain en vue de barrer la route au Rassemblement national (RN). Après les désistements tactiques annoncés pour le second tour, le rêve du RN d'obtenir la majorité absolue est devenu une utopie. Le premier sondage effectué après l'heure de clôture des candidatures mardi soir donne encore entre 190 et 220 sièges pour le bloc du RN sur les 579 sièges du Parlement français. Marine Le Pen a déjà fait monter la pression concernant la forme d'une future cohabitation, mais elle s'est heurtée au Premier ministre, Gabriel Attal. Bien que ce contexte ne soit pas favorable aux réformes structurelles et à la consolidation budgétaire, le marché semble se contenter de la voie du moindre mal. Les primes de risque françaises se stabilisent/corrigent à proximité de leurs récents sommets. Le taux à 10 ans français se trouve 45 points de base au-dessus du taux swap à 10 ans européen et 67 points de base au-dessus du taux à 10 ans allemand.
Le rebond de l’euro met en lumière la vulnérabilité du dollar. Le mois dernier, les gouverneurs de la Fed s’étaient focalisés sur un possible point de basculement sur le marché du travail, avec les entreprises qui ne suppriment plus les postes vacants, mais bien des postes effectifs. La banque centrale américaine s’attend à une évolution capricieuse de l'inflation au-dessus des 2 % dans les mois à venir. C’est la raison pour laquelle le marché a tourné sa boussole vers le marché du travail. Hier, il a ainsi dû constater que l'indicateur ISM de la confiance du secteur des services s’était effondré en juin, de 53,8 à 48,8, son niveau le plus bas depuis mai 2020, et seulement la troisième fois depuis la pandémie qu'il affiche un niveau inférieur à 50 (signe de contraction). Le marché s’attendait à un recul beaucoup plus limité, à 52,7. Les détails font paraître l’ISM encore plus morose qu’il ne l’est déjà. Ce sont surtout la plongée des nouvelles commandes (de 54,1 à 47,3) et la faiblesse persistante de la composante emploi (de 47,1 à 46,1) qui font mal. Dans la foulée de ces chiffres, le cours EUR/USD a tenté une première fois de franchir la barre de 1,08. La journée de fermeture aux États-Unis (Independence Day) freine évidemment le mouvement aujourd’hui, mais demain, nous disposerons du nouveau rapport officiel sur le marché de l’emploi (« payrolls ») pour le mois de juin. Un rapport solide (par rapport au consensus de 190 000) sera nécessaire pour empêcher une poussée vers un véritable premier niveau de résistance à 1,0916. Nous ne sommes pas rassurés sur ce point. Le ministère des Finances japonais sera également très attentif aux « payrolls ». Pour l'instant, les autorités regardent, sans rien faire, le yen japonais tomber chaque jour à de nouveaux planchers. Les interventions verbales ne sont d'aucune aide. Un cours USD/JPY à 163 constituerait la nouvelle barre à partir de laquelle il faudra joindre le geste à la parole. Des « payrolls » insuffisants donneraient de nouveau un peu d'air à Tokyo.
Après le Jour de l'indépendance aux États-Unis, le marché va progressivement passer en mode estival. Les volumes et la volatilité diminueront. Tant la Fed que la BCE ont décidé de faire de leurs réunions de politique de juillet un non-événement et alimenteront donc aussi ce sentiment de trêve.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC