La MNB joue gros jeu
Prenez une pièce d’un euro. Pile = 100 points de base, face = 75 points de base. Jetez-la, attrapez-la et retournez-la… Hier, c’était pile pour la Banque nationale hongroise (MNB). Et pour vous?
Nous supposons que la MNB prend des décisions sur une base mieux étayée. Cela n’empêche que l’abaissement des taux de 100 pb à 9%, plutôt que le pas devenu habituel de 75, semble s’être joué à pile ou face. Au début de l’année, le numéro deux de la banque centrale, Virag, avait préparé le marché à une accélération lors de la réunion de politique de janvier. Finalement, l’affaiblissement subit de la devise hongroise en direction de EUR/HUF 390 en a décidé autrement.
Dans sa politique, la MNB doit négocier entre une désinflation importante d’une part et l’impératif de stabilité financière d’autre part. Ce dernier aspect peut être résumé à la situation du forint. Pour ce qui est de l’inflation, après un pic de près de 26% en janvier 2023, elle a dégringolé à 3,8% exactement un an plus tard. À 6,1%, l’inflation de base dépasse le plafond de tolérance (de 1 ppt) de l’objectif de 3%. Mais depuis le mois d’octobre, un indicateur plus dynamique construit par la MNB se situe nettement dans la zone cible. En termes réels (corrigé de l’inflation), le taux directeur hongrois est assez restrictif. Cela pèse sur l’économie, qui n’est pas en bonne forme: au cours de l’année écoulée, le PIB s’est contracté de 0,8%. En théorie, il existe donc des arguments en faveur d’un assouplissement monétaire accéléré.
Mais la MNB traîne son passé. Elle a la réputation de privilégier la croissance à tout prix, souvent pour des motifs politiques. Et le léopard ne change pas ses taches: pas plus tard qu’au dernier cycle haussier, Budapest a par deux fois fait marche arrière après avoir prématurément annoncé un pic du taux directeur. Le forint a atteint de nouveaux planchers historiques autour de EUR/HUF 430. Or une devise faible mine la lutte contre l’inflation en augmentant le coût des importations. Face à la menace d’une spirale d’inflation galopante et de dépréciation du forint, la MNB a finalement instauré un taux d’urgence temporaire de 18%. Il n’est donc pas étonnant que des décisions comme celle d’hier fassent dresser l’oreille au marché. Le taux directeur réel élevé a beau mettre la croissance sous pression, il maintient l’attrait du forint pour les investisseurs, qui veulent être compensés pour les risques encourus (budgétaires, économiques, monétaires, politiques…). Sinon, ils iraient voir ailleurs. Et ils ne devraient pas chercher très loin: à en croire leurs banques centrales respectives, tant l’euro que le dollar resteront encore des devises (relativement) attrayantes pendant un moment.
Dans ce contexte, les pertes journalières du forint paraissent somme toute limitées. Le cours EUR/HUF a franchi la barre des 390 pour la première fois depuis septembre 2023. Selon la MNB, l’accélération du rythme à 100 pb n’est que temporaire. Mais elle joue gros jeu: à notre humble avis, les gains ne suffisent pas à compenser les risques de la détention de HUF. Le bouclier monétaire commence à se fissurer. Si l’appétit général pour le risque, inaltérable jusqu’à nouvel ordre, venait à se détériorer, cela pourrait suffire à provoquer une rupture. Sur les graphiques techniques, cela se traduira par la perte de l’importante zone de soutien du HUF entre EUR/HUF 393 et 395. Si cela arrive, la MNB ne pourra qu’espérer que le seuil symbolique de 400 tienne bon.