RBA prête pour le virage monétaire
La banque centrale australienne (RBA) souffre du syndrome de Francfort. Elle aspire toujours à une politique monétaire extrêmement souple en niant la menace inflationniste. Après les chiffres du marché de l’emploi (la semaine dernière) et ceux de l’inflation (ce matin), nous nous attendons à ce qu'elle change enfin son fusil d'épaule la semaine prochaine (1er février). En commençant par mettre directement fin à ses achats nets d’obligations (4 milliards AUD/semaine). Et en préparant ensuite le terrain pour un premier relèvement de taux (0,1 % à 0,25 %) plus tard dans l’année. Le marché estime que cette intervention aura lieu à la réunion de juin. Le taux directeur devrait ensuite être rehaussé de manière quasi ininterrompue, pour atteindre 1 % à la fin de l’année.
64 800 nouveaux postes ont été créés en décembre en Australie. Le marché n'a pas pu réitérer sa performance exceptionnelle de novembre, avec 366 100 emplois créés, mais le chiffre du mois dernier demeure tout de même très solide. La majeure partie de la hausse enregistrée en décembre s'explique par la fin des confinements régionaux dans les États de Nouvelle-Galles du Sud et Victoria. Il sera difficile de maintenir ce rythme en janvier, étant donné la recrudescence du variant omicron. Mais cette fois, le recul pourrait être beaucoup plus limité. L’Australie a longtemps appliqué, avec succès, une politique de "zéro covid". Grâce à des confinements très stricts et à la fermeture des frontières, le nombre de contaminations/morts est resté faible. La politique de vaccination a par conséquent pris beaucoup de retard à cause de cette stratégie. Un important mouvement de rattrapage s'est enclenché à partir de cet été et le taux de vaccination a aujourd'hui atteint des niveaux similaires à ceux observés en Europe. Il n'est donc plus nécessaire d'instaurer des confinements stricts pour lutter contre le virus. Le taux de chômage australien a diminué plus rapidement que prévu en décembre, de 4,6 % à 4,2 %, de loin son niveau le plus bas depuis 2008. Le taux de participation s’est stabilisé à 66,1 % et reste légèrement inférieur au pic de l’année dernière (66,3 %).
L’inflation australienne s’est accélérée plus rapidement que prévu au 4e trimestre et est passée de de 1,3 % en glissement trimestriel à 3,5 % en glissement annuel. Cela fait donc trois trimestres qu’elle dépasse la fourchette de 2 %-3 % ciblée par la RBA. L’inflation de base sous-jacente est passée de 2,1 % en glissement annuel à 2,6 %, son niveau le plus élevé depuis le deuxième trimestre de 2014. Le bureau des statistiques australien pointe particulièrement les coûts liés au marché immobilier.
À la fin de l’année dernière, le président de la RBA, Philip Lowe, avait déclaré que la banque centrale allait réexaminer sa stratégie monétaire en février en vue d’une nouvelle réduction des achats hebdomadaires d’obligations. Un arrêt brutal faisait partie des options dans le scénario – de plus en plus probable – d’un resserrement du marché du travail et d'une hausse de l'inflation. D’autant plus que d'autres banques centrales s'étaient déjà engagées sur la voie la normalisation. Pour Lowe, un premier relèvement de taux était possible en 2023 ou en 2024. Vous pouvez maintenant franchement compter sur 2022.
Ce matin, les taux des swaps australiens ont grimpé d’environ 5 points de base sur l’ensemble de la courbe après la publication des chiffres de l’inflation. Le dollar australien n’a pas progressé. Dans l'environnement de marché volatil actuel, le dollar américain offre plus qu’un contrepoids. D’un point de vue technique, le cours AUD/USD se trouve dans un canal baissier depuis l’année dernière. L’environnement de marché et le début plus rapide que prévu du cycle de resserrement aux États-Unis plaident provisoirement en faveur du dollar US. Le cours AUD/USD de 0,70 constitue un premier niveau de support important.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC