La RBA ne pense pas encore à arrêter
La banque centrale australienne (RBA) a, comme prévu, abaissé son taux directeur de 25 points de base à 3,1 % ce matin. Depuis son premier relèvement fin mai, la banque a resserré ses taux de 300 points de base au total. En six mois, elle a donc fait autant que lors du cycle de resserrement progressif qui s'était étalé de 2002 à... 2008. Et la fin n'est pas encore en vue.
Le cas de la RBA est un peu particulier. Pendant longtemps, elle a été l’un des derniers Mohicans à se poser des questions sur l'ampleur du danger inflationniste. Ensuite, elle a rapidement rehaussé ses taux – interventions de 50 points de base au maximum, mais la RBA est l’une des rares à encore se réunir tous les mois – pour enfin être la première des grandes banques centrales à relever un peu le pied de la pédale de frein en octobre. Trois relèvements de 25 points de base plus tard, un premier enseignement est que ralentir ne veut pas dire arrêter. Aujourd’hui, on a un peu facilement tendance à confondre les deux.
La déclaration de politique de la RBA est presque une copie conforme de celle de novembre. L’inflation demeure élevée (6,9 % en glissement annuel en octobre) et devrait culminer autour de 8 % au dernier trimestre de l’année. Ensuite, la banque centrale s’attend à une décélération progressive, grâce au recul des prix des matières premières, à la contraction de la demande (conséquence de l’inflation et du resserrement monétaire) et à une fluidification des chaînes de production mondiales. La RBA estime que l’inflation sera légèrement supérieure à l’objectif de 2-3 % d’ici fin 2024. Dans le même temps, la croissance ralentira à 1,5 % au cours des deux prochaines années. Le gouverneur Lowe et ses collègues sont bien conscients qu'ils évoluent sur une corde raide en voulant le meilleur des deux mondes : une politique monétaire qui contribue à endiguer l’inflation sans que la croissance ne s’effondre.
Avant d’aller plus loin, une petite remarque en passant : il est frappant de constater le nombre de banques centrales qui s'attendent à une inflation toujours (légèrement) supérieure à l’objectif à la fin de leur horizon de politique. Peut-être le signe qu'elles ne sont pas prêtes à aller au bout du bout (via une politique trop restrictive). Cela n'est pas indiqué explicitement, mais implicitement, cela signifie peut-être à terme un objectif d’inflation (légèrement) plus élevé et donc aussi une prime de risque d’inflation dans les taux à long terme.
L'exercice d'équilibriste entre croissance et inflation transparaît aussi dans les directives pour l’avenir. D’autres relèvements seront nécessaires, mais la RBA ne dit pas combien, et encore moins à quel rythme (avec des pauses ou non) et de quelle ampleur. La trajectoire de l’inflation et la résilience du marché de l’emploi (surtout le risque d’une hausse de l’inflation salariale) seront suivies de près. En outre, les resserrements de ces six derniers mois doivent encore produire leur plein effet.
La réaction du marché ce matin est intéressante. Les taux australiens sont en hausse malgré le statu quo. Cela indique qu’au moins une partie du marché commence lentement à miser sur une pause/fin du cycle de resserrement. Cela n'est donc pas le cas. Les taux du marché monétaire australien ont à nouveau rehaussé leurs prévisions concernant le pic du taux directeur, de 3,5 % à 3,75 %. Ce matin, le cours AUD/USD cote à 0,67.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC