Intervention d'urgence de la Banque
Pour la troisième fois en moins d’une semaine, nous consacrons ces colonnes au Royaume-Uni. Ce n'était plus arrivé depuis le Brexit. Les mouvements observés ces derniers jours sur les marchés financiers britanniques sont d'ailleurs aussi, voire plus, importants qu'à l'époque. Nous ne pouvions tout simplement pas passer à côté.
Vendredi dernier, le ministre des Finances britannique, Kwasi Kwarteng, a annoncé un plan de relance budgétaire extrêmement ambitieux financé par la dette. Cette nouvelle a été particulièrement mal digérée par les marchés britanniques. La livre s’est ainsi effondrée. Par rapport au dollar, la devise est même tombée à un plus bas absolu. En à peine trois jours, les rendements obligataires ont bondi de 100 à 120 points de base sur pratiquement toutes les échéances. Cela a déclenché des sonnettes d’alarme à la Banque d’Angleterre (BoE). Une crise systémique menaçait, avec une spirale auto-alimentée de flambée des taux mettant en péril la stabilité financière. La banque est donc intervenue. Jusqu’au 14 octobre inclus, la BoE achètera chaque jour jusqu’à 5 milliards de livres d’obligations d’État à long terme. Au total, les achats se monteront donc (potentiellement) à 65 milliards de livres. Par ailleurs, le début des ventes d'obligations, qui visent à réduire le portefeuille QE de 80 milliards de livres sur l'année à venir, a été postposé du 1er au 31 octobre. Combiner assouplissement quantitatif (QE) et relèvement des taux peut paraître farfelu. Ce n'est pas ce que pense la Banque d’Angleterre. Il s’agit d’une mesure visant à préserver la stabilité financière et le bon fonctionnement du marché.
Après l'annonce, nous avons assisté à la plus forte chute de taux jamais enregistrée : le taux à 30 ans britannique a plongé de 105 points de base , alors qu'il se trouvait encore à son niveau le plus élevé depuis 1998 plus tôt dans la journée. Sur les échéances entre 2 et 10 ans, les taux ont perdu entre 37 et 50 points de base. La livre s’est redressée, surtout vis-à-vis du dollar.
La décision de la BoE a aussi eu des répercussions sur les autres marchés dans leur ensemble. L’appétit pour le risque s’est renforcé, ce qui a été clairement visible sur les marchés des actions. L'indice EuroStoxx50 est passé de pertes de 2 % ou plus à un léger gain. Aux États-Unis, le S&P 500 a progressé d’environ 2 %. Les plus bas de l’année, enregistrés en juin et testés à plusieurs reprises ces derniers jours, n'ont donc pas été battus. Les taux allemands et américains ont perdu respectivement de 0 à 15 points de base et de 13 à 24 points de base. Outre la livre, l’euro s’est aussi redressé par rapport à la devise américaine. Le cours EUR/USD a trouvé un support dans la partie basse de 0,95, la limite inférieure de la fourchette de fluctuation qui prévaut sur la la paire de devises depuis une grande partie de 2022.
Dans une première réaction plutôt malheureuse après l’intervention d’urgence de la BoE, la Première ministre britannique Liz Truss continue de défendre bec et ongles l’agenda radical des réformes (fiscales). Cela met de nouveau les nerfs du marché à vif ce matin. L’intervention de la BoE pourrait néanmoins marquer le début d’une (courte) période de consolidation pour le dollar et sur les marchés des taux.La Banque d'Angleterre a été la première à baisser les bras dans le bras de fer avec le marché Ce dernier tirera peut-être des conclusions pour la BCE ou la Fed, par exemple. Après l"important rallye enregistré depuis le mois d’août, les échéances plus longues, en particulier, ne devraient pas nécessairement atteindre tout de suite de nouveaux sommets cycliques pluriannuels.