La Riksbank passe à la vitesse supérieure, mais la couronne n'en profite pas
La banque centrale suédoise (Riksbank ou RB) a eu l’honneur d’être la première de la semaine à traduire ses nouvelles perspectives (en matière d'inflation) dans sa politique monétaire. La précédente réunion de la banque date du 30 juin. Une éternité dans le contexte actuel. Le gouverneur, Stefan Ingves, et son comité de politique ont à nouveau fait tourner les modèles et ont tenté de comprendre pourquoi l'inflation augmente plus rapidement et restera élevée plus longtemps. La mesure d'inflation CPIF suivie par la banque centrale a grimpé à 9,0 % en août. Pour cette année et l’année prochaine, la RB table à présent sur un taux moyen de respectivement 7,8 % (6,9 % en juin) et 5,1 % (4,2 %). Il est donc temps de passer au plan monétaire B+.
Il y a deux semaines, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a déclaré que les interventions de 75 points de base ne constituaient pas la norme et que la suite dépendrait des données. Ce n'était vraisemblablement pas le message qu'elle voulait faire passer, mais la Riksbank l'a pris au pied de la lettre et a relevé son taux directeur de 1,0 % à 1,75%. L’analyse de la Riksbank est limpide. En atteste la traduction de la première phrase du communiqué de presse : "L’inflation est trop élevée. Elle mine le pouvoir d’achat des ménages et rend toute planification financière très difficile, que ce soit pour les ménages ou pour les entreprises. C’est pourquoi la politique monétaire sera encore resserrée." La Riksbank n’a pas fait que revoir fortement à la hausse ses prévisions d’inflation pour cette année et l’année prochaine. L’analyse qualitative est également claire. Une partie des hausses de prix est due à la flambée des prix de l’énergie et à d’autres chocs externes. Mais la banque centrale explique aussi clairement que l'équilibre entre la demande intérieure et l'offre et les pénuries sur le marché de l’emploi alimentent également la dynamique de l’inflation. Cette demande doit donc être contenue.
En juin, la Riksbank tablait sur un taux directeur à 2 % au début de l’année prochaine. Aujourd’hui, le message est que les taux vont encore être relevés au cours des 6 prochains mois, pour atteindre un pic de 2,5 % (au moins). Aucun changement n'est en revanche à signaler du côté de la réduction progressive du portefeuille obligataire. Les réinvestissements vont probablement être arrêtés à la fin de cette année. Le relèvement de taux plus fort que prévu a valeur d'avertissement. Ces dernières années, la banque centrale suédoise se trouvait plutôt du côté "accommodant" du spectre monétaire. Lorsque la dynamique de l’inflation a commencé à bouger, l'endettement élevé des ménages et les risques pour la stabilité financière de corrections trop importantes sur le marché immobilier ont souvent été évoqués pour justifier le choix de la progressivité. Ces paramètres joueront encore un rôle à plus long terme. Mais sur le court terme, ils sont clairement passés à l’arrière-plan.
Autre élément frappant : après un bref renforcement direcement après l’annonce, la couronne a cédé ses gains en très peu de temps. Le cadre de référence monétaire évolue également. Même avec un relèvement de 1,0 % et un possible pic à 2,5 %, la Riksbank reste plutôt dans le camp des banques "accommodantes", même dans une perspective européenne. Jusqu’à présent, le cours de la devise n'occupait généralement pas une place prioritaire dans la politique. Nous vérifierons si cela est toujours le cas lors la prochaine réunion. Pour l’heure, la couronne montre des signes de faiblesse. Le seuil de EUR/SEK 10,81 risque toujours d’être rompu. Au-delà de 10,90, la couronne prendra probablement une place prépondérante sur le radar de l’inflation de la Riksbank.