Gros du travail terminé ?
Nous enfonçons une porte ouverte en affirmant que les économies des pays d’Europe centrale (Tchéquie, Pologne, Hongrie) se trouvent en première ligne en termes de croissance, mais aussi d’inflation, à cause de la guerre en Ukraine. Il est néanmoins frappant de constater que les marchés des taux et des changes ont bien résisté ces derniers temps, malgré les tensions autour de l'approvisionnement en gaz russe. La politique monétaire d'anticipation porte ses fruits.
En tant que petites économies ouvertes avec une devise sensible au sentiment vis-à-vis du risque, la région a très vite été touchée par la dynamique inflationniste post-Covid « plus forte que prévu ». Les banques centrales sont intervenues pour rompre une spirale inflation-dépréciation du taux de change qui s'auto-alimente. Certains (la Tchéquie) l'ont fait avec un peu plus de conviction que d’autres (Pologne et Hongrie). Ces deux derniers pays ont dans un premier temps soutenu que l’inflation ne serait que temporaire et était principalement due à des facteurs sur lesquels la politique monétaire n'avait aucune prise (flambée des prix des matières premières et perturbations dans les chaînes d’approvisionnement). Ils ont été rappelés à l’ordre par le marché. Depuis, les banques centrales se sont toutes lancées dans un sérieux cycle de resserrement, avec des taux directeurs de 6,75 % (Pologne), 7 % (Tchéquie) et 11,75 % (Hongrie). Les taux d’intérêt restent cependant largement inférieurs à l’inflation, qui dépasse 15 % partout.
Plus tôt cette année, les Polonais, Tchèques et Hongrois pensaient déjà qu'ils allaient progressivement pouvoir lever le pied, mais cela s’était généralement vite traduit par de nouvelles pressions sur la devise. L’idée circule de nouveau aujourd'hui. En dépit de l'accroissement des tensions mondiales et l'envolée des taux dans l’UEM, les taux à court terme ont à peine augmenté dans la région la semaine dernière. Les devises résistent aussi relativement bien. La Tchéquie et la Pologne sont entrées dans une « phase d'ajustement »monétaire. Les deux banques centrales estiment que quelques petites interventions (25 pb) pourraient encore être nécessaires si l’inflation continue de grimper en direction des 20 % dans les prochains mois, mais elles espèrent néanmoins que le gros du travail a été fait. La Pologne espère même qu'une baisse des taux pourrait déjà être envisagée dès l’année prochaine. C’est probablement prématuré. Le monde a changé et le marché ne devrait pas tirer un trait sur l’inflation de si tôt. La Hongrie doit encore s'accrocher, mais maintenant qu'un taux directeur de plus de 14 % est intégré dans les cours d’ici la fin de l'année, le marché se fait pour le moment moins pressant.
Des nuances existent, mais le marché accepte doucement le fait que la politique des banques centrales suffira à compenser les effets secondaires de la flambée de l'énergie et des autres hausses de prix externes par le biais d’une demande intérieure plus faible. Si les prix de l’énergie et des matières premières arrêtent de grimper, les banques centrales auront alors plus ou moins fait leur travail (ou du moins les marchés des taux auront suffisamment anticipé). Pour les devises de la région, cela devrait inaugurer une période de calme relatif. En espérant que la spirale inflation-dépréciation est terminée. Le forint pourrait progressivement trouver un nouvel équilibre légèrement en dessous du cap psychologique de EUR/HUF 400. Un règlement du conflit juridique qui oppose la Hongrie à l’Europe pourrait donner un coup de pouce supplémentaire à la monnaie. Pour le zloty, nous pointons la zone EUR/PLN 4,70/4,60. Le cours de la couronne tchèque (zone EUR/CZK de 24,80/24,25) est pour sa part surtout déterminé par la main invisible de la banque centrale tchèque (interventions sur le marché des changes).