Fed et marchés en désaccord avant Jackson Hole
Les gouverneurs de la Fed font leur rentrée. Dans ce qui ressemblait à une action coordonnée, quatre d'entre eux se sont exprimés hier dans la presse. Nuances personnelles mises à part, leur message est clair et sans équivoque. La Fed va continuer à relever son taux directeur à un rythme soutenu afin de lutter contre le problème de l’inflation galopante. La vigueur du marché de l’emploi suggère que l’économie a encore plus de capacité de résistance que prévu. Ce n’est que vers la fin de l’année que la banque centrale américaine dressera un bilan intermédiaire et définira les grandes lignes pour 2023. Une chose est cependant sûre pour les quatre intervenants d'hier : il n'est absolument pas question de déjà rabaisser les taux.
Bullard, Daly, Kashkari et George affûtent leurs armes à l’approche du symposium de Jackson Hole la semaine prochaine. Le point d'orgue du Comic-Con annuel des banquiers centraux sera le discours du président de la Fed, Jerome Powell. Celui-ci donnera sa vision de l'évolution future de l'économie et tirera probablement aussi des conclusions en termes de politique monétaire. Ses prédécesseurs, Ben Bernanke et Janet Yellen, se sont déjà servis de ce jamboree pour préparer le marché à d’importants changements de politique.
Cette fois, nous ne nous attendons pas à un changement de politique, mais bien à une mise en garde à l'attention des marchés financiers. Au cours des six dernières semaines, ces derniers sont restés focalisés sur les risques de récession et en sont, selon nous, trop rapidement venus à la conclusion que les banques centrales allaient être entravées dans leur croisade contre l'inflation par la faiblesse de la croissance. Les choses commencent doucement à évoluer depuis le début de cette semaine. Après les chiffres de l’inflation britannique et les signaux venus de Nouvelle-Zélande et de Norvège, c'est donc au tour des membres de la Fed de se faire entendre. Notons aussi qu'Isabel Schnabel, membre allemande du directoire de la BCE, a évoqué hier la possibilité d'un nouveau relèvement de 50 points de base en septembre.
Aux États-Unis, le marché monétaire table actuellement sur 125 points de base de relèvements supplémentaires sur les trois réunions restantes de la Fed de cette année (à 3,5 %-3,75 %). Fin 2023, le taux directeur sera de nouveau 25 points de base plus bas. Cette vision ne cadre pas avec la ligne définie par la Fed. Un nouveau mouvement de repositionnement a démarré plus tôt cette semaine et pourrait se poursuivre la semaine prochaine. Des taux plus élevés donc, avec une hausse un peu plus rapide sur la partie courte de la courbe. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, les taux à court terme sont déjà plus élevés que les taux à long terme. Cela va aussi arriver en Europe.
Le marché des changes est longtemps resté stoïque face aux fluctuations des taux, mais cela va changer. Le cours EUR/USD est retombé sous la barre de 1,01. À l’approche de Jackson Hole, le dollar prépare un deuxième assaut sur la parité. En juillet, l’euro était encore parvenu à sauver in extremis les meubles grâce à un premier resserrement de la BCE. La dynamique à court terme joue à présent en faveur du dollar. Surtout lorsque le rallye boursier de l'été prendra fin après le nouveau rebond des taux. Du côté euro de la comparaison, les indicateurs de confiance PMI pourraient encore venir noircir le tableau la semaine prochaine.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC