Nouveau coup pour la lire turque
La persévérance paie. Le quatrième président de la banque centrale turque depuis 2019 est enfin le bon aux yeux du président Erdogan. Depuis que Sahap Kavcioglu a pris la direction de la CBT, il a déjà abaissé le taux directeur de 400 points de base, de 19 % à 15 %. Après 1 % en septembre et 2 % en octobre, le taux a encore été réduit de 1 % hier. Dans sa déclaration de politique, la CBT évoque un nouvel assouplissement en décembre, suivi d’une possible pause. Possible... parce qu'Erdogan ne semble pas encore rassasié.
La persévérance coûte. Témoin silencieux et principale victime de cette expérience monétaire irréfléchie, la lire turque perd près de 10 % sur une base hebdomadaire par rapport à un euro pourtant faible. La monnaie a atteint un nouveau plus bas, avec un cours EUR/TRY de 12,80. Erdogan place la croissance intérieure avant tout le reste. Et il compte pour cela sur une baisse des taux. La hausse des taux provoque de l’inflation au lieu de la combattre. C'est ce qu'il a encore répété au parlement et à sa base électorale au début de cette semaine. Erdogan parle, Kavcioglu écoute. Dans l’intervalle, l’inflation turque avoisine désormais les 20 % sur une base annuelle et la CBT admet à présent que la pression "temporaire" sur les prix sera encore d'actualité au premier semestre de 2022. Cela devrait normalement la dissuader de procéder à de nouvelles baisses de taux après décembre. Les taux réels (profondément) négatifs sont néfastes pour une devise en pleine crise de confiance internationale. L’Erdoganomics prétendra le contraire, mais la chute libre de la devise turque ne fait que jeter de l'huile sur le feu de l’inflation. Et les baisses de taux renforcent encore ce cercle vicieux. La TRY continue d'afficher une sous-performance structurelle.
La MNB place une accélération intermédiaire
La banque centrale hongroise surveille quant à elle le taux de change du forint. Une devise faible, oui. Une devise trop faible, non. Dans cette optique, la zone EUR/HUF 365-370 a déjà joué à plusieurs reprises le rôle de ligne rouge pour la MNB cette année. Au début de cette semaine, nous vous avions déjà parlé de la nouvelle accélération du cycle de resserrement, avec un relèvement du taux directeur de 30 points de base, à 2,1 %. Face à l'absence de réaction du forint, la banque centrale a franchi un cap supplémentaire hier. Via une facilité de dépôt d’une semaine, la MNB retire du forint du marché à un taux encore plus avantageux de 2,50 %. L'adjudication d’hier a attiré 7 700 milliards de forints, le montant le plus élevé enregistré depuis la mise en place de la facilité peu après l’éclatement de la pandémie. Le cours EUR/HUF s’est pendant un moment replié en direction de 362, mais le forint peine à conserver ses gains. Le marché n’est pas encore convaincu et met la MNB dos au mur en exigeant, comme pour la banque centrale polonaise, une action plus ferme pour éloigner le spectre de l'inflation. La banque aura encore une dernière chance le 14 décembre. À moins qu'elle ne place de nouvelles accélérations intermédiaires lors de ses adjudications hebdomadaires.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC