Trois banques, ou: un relèvement des taux d’intérêt n’est pas l’autre
Hier, trois banques centrales européennes ont modifié leurs taux directeurs: la Banque centrale suisse (SNB), la Banque d’Angleterre (BoE) et la Banque centrale hongroise (MNB). Tous les banquiers centraux sont en quête du juste équilibre entre limitation de l’inflation et préservation de la croissance. Mais la position des uns (SNB) est parfois plus confortable que celle des autres (BoE, MNB)…
Récemment, la SNB avait laissé entendre qu’elle ne resterait pas bras croisés. Pourtant, son relèvement des taux (de -0,75% à -0,25%) a pris les marchés par surprise. L’inflation suisse est certes en hausse (2,9% en glissement annuel, inflation de base à 1,7%), mais reste faible. Cela n’empêche que la SNB se dise prête à relever encore davantage les taux. Après la décision d’hier, elle prévoit une inflation de 2,9% cette année, de 1,9% en 2023 et de 1,6% en 2024. À 2,5% pour cette année, les perspectives de croissance restent bonnes, surtout pour la Suisse. En revanche, dans de nombreux pays, l’inflation a cessé d’être une expression de la croissance pour devenir son principal obstacle. La SNB agit donc de manière préventive, pour éviter que cette spirale inflationniste auto-alimentée ne contamine le pays. Dans ce cadre, elle a pris une autre mesure remarquable: le franc suisse n’est plus qualifié de “surévalué”. De fait, une devise forte contribue à tempérer l’inflation (importée). Si la SNB peut toujours intervenir sur le marché des changes, elle peut le faire au choix pour corriger un franc trop fort ou trop faible. Le marché des changes a reçu le signal cinq sur cinq. De 1,04, le cours EUR/CHF est tombé en dessous de 1,02. À court terme, il semble peu probable que la SNB doive intervenir pour soutenir un franc trop faible. Valeur refuge dans un contexte d’aversion au risque et de faible inflation, “garantie” par une politique monétaire préventive et orthodoxe, le franc suisse reste une devise structurellement forte. La banque centrale doit seulement veiller à ne pas brusquer les choses. Dans la mesure où la vigueur de la devise atténue les coûts internes, les entreprises suisses pourront probablement s’en arranger. C’est l’ancien modèle de la Bundesbank dans toute sa splendeur. De quoi faire des jaloux parmi certains États membres de l’UEM… Que ne donnerions-nous pas pour entendre les mots que Nagel, le président de la “Buba”, et Lagarde, la présidente de la BCE, s’échangent peut-être à propos de la politique de la SNB autour de la machine à café à Francfort?
La BoE aussi a relevé son taux directeur de 25 points de base hier, le portant à 1,25%. Depuis longtemps, la BoE ne dispose plus de la marge dont jouit encore la SNB, car l’impact négatif de l’inflation sur le revenu disponible hypothèque fortement la croissance. Elle se prépare à nouveau à d’importants relèvements de taux en août (et dans les mois à venir). De fait, l’inflation ne semble pas près de s’essouffler (elle pourrait même dépasser 11% en octobre). À certain moment, le taux britannique à 2 ans a grimpé de 30 pb (!!!). Le cours EUR/GBP est retombé à 0,854. Reste à savoir dans quelle mesure la BoE pourra intervenir si la croissance ralentit encore. Ce n’est pas le premier virage négocié par Bailey et ses collègues, qui dansent sur la corde raide: cette réalité continue de peser sur la livre.
Enfin, il est une banque centrale qui n’a plus du tout de marge de manœuvre: la MNB. La Banque centrale hongroise a récemment indiqué qu’elle voulait relever les taux plus lentement. Vu l’inflation toujours en hausse (11,7% en mai), le marché n’a pas bien accueilli la nouvelle. Le forint a dernièrement atteint de nouveaux planchers historiques par rapport à l’euro, à plus de EUR/HUF 400. La MNB a encore dû jouer la carte d’un taux d’intérêt de la facilité de dépôt à 1 semaine plus élevé (relèvement de 6,75% à 7,25%), ce qui n’était pas prévu dans le script de la normalisation. De toute évidence, la MNB et le marché ne s’accordent pas sur la marge de manœuvre disponible. Au lieu d’être proactive, la MNB se trouve en position réactive. Actuellement, le forint se stabilise en dessous de EUR/HUF 400, mais jusqu’à nouvel ordre, ce n’est d’aucun secours à la MNB. À Budapest aussi, la position de la SNB fait probablement des envieux.