La BCE se concentre sur l’excès de liquidités
La semaine dernière, la BCE a relevé son taux directeur pour la dixième et, provisoirement, dernière fois. Le débat s'est donc tout naturellement réorienté vers (le moment de) la première baisse de taux. Mais dans le monde d'après 2008, il ne faudrait pas oublier une étape intermédiaire importante. C’est l'agence de presse financière Reuters qui l'a rappelé hier.
Petit retour en arrière. Avant la crise financière, la politique monétaire consistait essentiellement à créer une pénurie de liquidités contrôlée. Les institutions financières se tournaient vers la BCE pour apurer les déficits via ce que l'on appelle des opérations de refinancement (Main Refinancing Operations, MRO). Les emprunteurs payaient sur les montants empruntés un taux (MRO), qui est devenu la référence du marché européen. Mais un marché est toujours en mouvement. La BCE a délimité la marge de manœuvre au moyen d’un taux d’emprunt pénalisant (limite supérieure) et d’un taux de dépôt (limite inférieure).
Après de nombreuses crises, les programmes de rachats d’obligations et l'octroi de crédit illimité de la BCE, le marché est confronté à une quantité énorme de liquidités. Bien plus que ce dont le système financier a effectivement besoin. Au sommet atteint fin de l’année dernière, les liquidités étaient estimées à 4 800 milliards d’euros. Leur présence empêche la politique monétaire restrictive actuellement menée de faire pleinement ses effets. L’important stock d’obligations d’État dans le portefeuille de la BCE pèse, par exemple, sur les taux d’intérêt à long terme. Cela se traduit également par le fait que le taux de référence se rapproche aujourd’hui beaucoup plus de la limite inférieure autorisée que le taux MRO plus élevé. Dans son article, Reuters explique toutefois qu'un retour à l’ancienne norme d’avant 2008 fait partie des pistes de réflexion de la BCE. Tant qu’il restera des liquidités excédentaires, ce ne sera cependant pas possible dans la pratique. La BCE ne cesse de réduire la taille de son portefeuille, mais le compteur se situe toujours à 3 700 milliards d’euros à l'heure actuelle.
La banque centrale envisage deux autres manières d’accélérer ce processus. Elle pourrait relever les réserves minimales obligatoires que les banques commerciales doivent détenir auprès de la BCE afin de retirer des liquidités du marché. Selon les sources interrogées par Reuters, le pourcentage de ces réserves pourrait passer de 1 % des dépôts placés par les clients dans les banques locales à 3-4 %. Il s’agit d’une mesure que la banque centrale pourrait en principe prendre rapidement (dès la prochaine réunion de politique). L’autre piste consisterait à accélérer la réduction des portefeuilles obligataires. L’APP, créé en 2015 (+- 3 100 milliards), diminue au rythme des échéances des obligations. Pour l’année à venir, le rythme tournera autour de 26,6 milliards par mois. La banque centrale pourrait accélérer la cadence en revendant les obligations sur le marché avant leur échéance. Une alternative pourrait passer par le PEPP (+-1 700 milliards), le programme lancé en 2020. Jusqu’à nouvel ordre, la BCE réinvestira les obligations arrivées à échéance jusque fin 2024, mais elle pourrait décider de changer cette date. Politiquement parlant, cela risque cependant d'être compliqué. Contrairement à l’APP, le PEPP permet en effet à la BCE de gérer les moyens libérés de manière « flexible ». Cela signifie que Francfort peut théoriquement réinvestir des fonds provenant d’obligations allemandes arrivées à échéance dans des titres italiens. En principe, chaque membre du conseil de la BCE agit dans l’intérêt de l’union monétaire. La réalité est souvent tout autre. La discussion autour d'une accélération de la réduction du bilan pourrait encore durer un certain temps. Nous ne nous attendons pas à un dénouement avant (mars) 2024.