Powell ne voit aucune raison d’agir
Hier, nous avons parlé de la détermination affichée par la banque centrale hongroise vis-à-vis de l'inflation. Celle-ci a en effet indiqué qu’elle relèverait (plus vite) ses taux jusqu’à ce que l’inflation redescende. Le contraste avec le message délivré par le président de la Fed, Jerome Powell, hier soir pourrait difficilement être plus grand. À titre d’illustration, voici tout de même une comparaison, même si celle-ci est tirée de tout contexte. Aux États-Unis, l’inflation CPI a atteint 5,4 % en juin, pour un objectif d’inflation de 2,0 %. En Hongrie, les prix à la consommation ont augmenté de 5,3 %, alors que l'objectif est fixé à 3,0 % (+/- 1 %). Hier, cela n'a toutefois pas empêché Powell de tirer une toute autre conclusion que son collègue hongrois Matolcsy. Une inflation n’est clairement pas l’autre.
La Fed voit la reprise se poursuivre. Les secteurs qui ont été durement touchés par la pandémie ont encore du chemin à parcourir et c'est également le cas pour le marché de l’emploi. La poussée inflationniste, qui est tout de même assez prononcée, est toujours qualifiée de passagère, même si Powell admet qu'il ne sait pas combien de temps l'inflation restera si élevée. Il a cependant fourni quelques éléments qui expliquent pourquoi le rebond actuel des prix ne constitue pas une "véritable" inflation. Les hausses de prix se manifestent surtout dans des groupes de produits où l’offre est perturbée et où la demande a subitement augmenté après la réouverture (voitures d’occasion, billets d’avion...). Powell ne considère pas non plus une flambée des prix "ponctuelle", même forte, (comme pour le pétrole, par exemple), comme de l’inflation, même s’il s’avère que les prix ne redescendent pas par la suite. Pour une "véritable" inflation, il faut qu'un mécanisme de hausse des prix à répétition s'enclenche (spirale prix-salaires). Or, Powell ne voit rien de tout cela. Le fait de ne pas tenir compte de certaines hausses de prix place évidemment la barre très haut pour un éventuel resserrement de la politique.
La conclusion se devine facilement. La situation évolue en direction des objectifs de plein emploi et d'une inflation durablement proche de l’objectif symétrique de 2 %, mais pas encore suffisamment, surtout en ce qui concerne le marché du travail. Aucun relèvement de taux n’est donc encore à l’ordre du jour. Il est également encore trop tôt pour établir un plan concret de réduction progressive des achats d’obligations. La suite aux prochaines réunions de politique. La perspective de voir une feuille de route pour le retrait progressif du programme d'achat dévoilée à Jackson Hole (26-28 août) ou à la réunion de septembre (nouvelles perspectives) a du plomb dans l'aile.
Par souci d’exhaustivité, signalons encore que la Fed a créé deux nouvelles facilités repo destinées à contribuer à prévenir les chocs sur le marché monétaire comme celui auquel nous avons assisté l’année dernière au début de la pandémie.
La réaction des marchés après la réunion est restée limitée. Les taux à long terme se sont très légèrement repliés (-1 pb pour le taux à 10 ans). Le marché (des taux) a néanmoins bien reçu le signal "accommodant". La composante des taux réels est une nouvelle fois tombée à un plancher historique (-1,18 % pour le taux à 10 ans !!). mais cela a été compensé par une hausse des prévisions d’inflation. En réponse à une question posée lors de la conférence de presse, le président de la Fed ne s’est d’ailleurs pas laissé tenter par une interprétation rigoriste des mouvements tout de même étonnants observés sur le marché des taux. Le calme est alors revenu, même si tant les taux américains (1,25 %) et allemands à 10 ans (-0,45 %) ont eu du mal à quitter leurs récents planchers.
Selon la théorie, la combinaison de taux réels bas et de prévisions d’inflation plus élevées est préjudiciable au dollar. Et la théorie a bel et bien été respectée cette fois. Le cours EUR/USD se stabilise. Le premier niveau de résistance de 1,1881/95 est en vue. Une reprise au-dessus de 1,1975 mettrait le retour du dollar enclenché depuis début juin "entre parenthèses".