La BCE boucle son exercice de réflexion
La semaine dernière, la BCE a contre toute attente bouclé l’exercice de réflexion stratégique qu’elle avait démarré début 2020. Sans trop se soucier du timing, la directrice de la banque centrale, Christine Lagarde, a présenté les conclusions lors d’une conférence de presse qui s’est tenue jeudi dernier, au moment où les marchés et les analystes étaient confrontés à une vague d’aversion totale pour le risque. Le calme est entre-temps revenu. Une modeste forme de réhabilitation s’impose.
L’objectif d’inflation occupe une place centrale dans le nouveau cadre de politique. Pour les gouverneurs, l'objectif d'une inflation "proche mais en dessous de 2 %" était trop vague et trop unilatéral. Cela s’explique par le fait que le modèle de la BCE était, à l’époque, inspiré par celui de la Bundesbank, hostile à l’inflation. Les relèvements de taux en pleine crise de la dette (2011) furent une conséquence douloureuse de cette politique. Le nouvel objectif est à présent fixé à 2 %. Simple et clair. C’est ainsi que la communication devrait être : compréhensible et sans jargon. L’objectif vaut pour le moyen terme. Des écarts seront tolérés à court terme, mais uniquement s'ils sont passagers. Dans le cas contraire, la BCE interviendra. Elle agira aussi si l'inflation devient trop basse. Le nouveau mot d'ordre est symétrie. Attention : « symétrique » ne signifie pas « moyen ». C’est la voie choisie par la Fed. Avec une inflation de base inférieure à 2 % depuis plus d’une décennie dans l’UEM , ce n’est en fait pas crédible dans le cas de la BCE. Même si celle-ci recevra bientôt de l’aide des statistiques.
La BCE utilisera en effet un critère d’inflation plus large, mais encore officieux pour l’instant, dans ses analyses de politique. Francfort reconnaît que les coûts du logement sont sous-représentés dans l’actuel indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH). Les loyers constituent la catégorie la plus importante, mais ne pèsent que 7,5 % dans l'indice. On compte 60 % de propriétaires et ceux-ci ont également des frais considérables. Et ceux-ci n’ont pas diminué durant la longue ascension du marché immobilier. Eurostat, le service statistique européen, établit depuis des années un indice pour ces "owner-occupied housing costs" (coûts de logement pour les propriétaires occupants). Pour des raisons de timing, de fréquence (série trimestrielle) et de distinction difficile entre investissement et consommation effective, l’indice HICP ne le fait pas. L’inflation officielle augmenterait facilement de 0,2-0,5 point de pourcentage si ce critère était pris en compte.
Comme prévu, la révolution verte exige également sa place. Le climat (le changement climatique) est intégré dans les modèles sophistiqués, afin que la BCE puisse avoir une idée de ses conséquences économiques et monétaires. Dans les activités quotidiennes de la banque centrale, ce thème se traduit par de nouvelles règles de nantissement, qui peuvent entraîner une correction de certains actifs proposés au financement.
Voilà donc pour la théorie. Quid de la pratique ? Celle-ci évolue en fait étonnamment vite. Le nouveau cadre définit en principe la stratégie à long terme. Mais le week-end dernier, Lagarde a déclaré que la réunion de politique du 22 juillet s’inscrirait déjà dans le cadre du régime adapté. En raison de la symétrie et malgré les conséquences inflationnistes tant de la hausse des frais de logement que du climat, la politique monétaire devra peut-être rester souple encore plus longtemps. La Française a fait allusion à une variante du PEPP au terme de sa date d'expiration, prévue actuellement en mars 2022. Une remarque qui fait suite aux déclarations de plusieurs gouverneurs de la BCE qui avaient déjà mis en garde contre un resserrement prématuré de la politique. Les taux (à long terme) européens et l’euro devraient donc rester sur la défensive en attendant le 22 juillet.