La livre sterling profite des spéculations de report du Brexit
Les négociations sur le Brexit sont dans l'impasse la plus totale. Pas plus tard que la semaine dernière, le parlement britannique a rejeté la proposition de la première ministre May avec une conviction historique. Dans l'intervalle, cependant, la date butoir approche à grands pas. Le Royaume-Uni a encore neuf semaines pour trouver une solution. Un Brexit "dur", un Brexit "doux", un Brexit "no deal", de nouvelles élections, un nouveau référendum ou pas de Brexit du tout. Toutes les options restent ouvertes. C'est peut-être justement là la cause des dissensions toujours trop profondes et de l'impasse persistante. Et pourtant, les parties prenantes sont de plus en plus conscientes qu'il vaudrait mieux éviter un Brexit sans accord. Mais que faire d'autre? Reporter la date butoir?
Theresa May, elle, reste sur ses positions et ne voit que deux possibilités: soit le parlement marque son accord sur sa proposition (ou quelque chose de ressemblant), soit le Royaume-Uni quitte l'UE sans accord. Et pourtant, une proposition de loi conjointe des partis, soutenue par Yvette Cooper (du parti travailliste) et Nick Boles (du parti conservateur), circule pour exclure l'éventualité d'un Brexit sans accord. Ce plan obligerait la première ministre May à demander une prolongation de l'article 50 si aucun accord n'est trouvé d'ici la fin du mois prochain. La date butoir actuelle (le 29 mars 2019) serait alors reportée jusqu'à la fin de l'année. Il est plus que probable que le parti travailliste soutienne officiellement ce plan, ce qui en augmente considérablement les chances de succès. Quelques membres du parti conservateur de Theresa May sont également favorables à cette proposition. Amber Rudd, ministre du travail et des pensions, a même indiqué qu'elle serait disposée à démissionner avec 40 autres membres du parti afin de pouvoir voter pour la proposition de loi Cooper/Boles. Les partisans du Brexit "dur", eux, sont contre. Ils redoutent qu'exclure le scénario d'un Brexit sans accord ne compromette la position de négociation du Royaume-Uni.
Normalement, les statistiques économiques britanniques ne jouent qu'un rôle secondaire à l'ombre du Brexit. Et pourtant, les dernières données relatives au marché de l'emploi publiées hier sont également parvenues à attirer l'attention. L'
emploi a signé une forte croissance en novembre (+141.000), faisant contre toute attente chuter le taux de chômage à 4,0%, le niveau le plus bas observé depuis 1975. En outre, la croissance salariale est restée vigoureuse, affichant son pic cyclique de 3,3% en glissement annuel. Avant le Brexit, de tels résultats auraient fourni à la Bank of England les munitions nécessaires pour envisager un nouveau relèvement des taux d'intérêt. Mais ce n'est pas la réaction que nous attendons de sa part dans les circonstances actuelles. Aussi longtemps que le brouillard qui plane sur le Brexit ne se sera pas dissipé, la banque centrale se tiendra probablement sur la touche.
La livre, elle, se délecte. Depuis l'appel lancé en faveur d'une prolongation de l'article 50, les investisseurs voient le risque d'un scénario "no deal" fondre comme neige au soleil. En réaction, la livre sterling a amorcé une remontée. Le différentiel EUR/GBP se situe en ce moment à 0,88 alors qu'il se rapprochait encore de 0,905 la semaine dernière. La zone de soutien de 86,56/21 se profile à l'horizon (voir graphique). Pour franchir ce seuil, il faudrait une solution politique de nature à désamorcer la situation pour le long terme. Et nous en sommes encore loin. Dans un contexte de calme politique relatif, la Bank of England pourrait à nouveau se permettre de prendre des mesures si elle l'estime nécessaire. Les récentes statistiques du marché de l'emploi sont certes vigoureuses, mais nous avons par contre décelé dernièrement un ralentissement marqué de l'inflation. La BoE a donc des raisons d'éviter toute décision hâtive.