La Fed décidera-t-elle du sort du dollar?
Ces jours-ci, la paire de devises EUR/USD se heurte à un niveau de résistance qui avoisine son sommet provisoire de 2020 à 1,215. Constat inverse pour le dollar pondéré des échanges commerciaux (DXY), qui a du mal à s’éloigner de son plancher de l’année et de son niveau de support technique actuel proche de 90,5. Le calendrier économique pourrait trancher: le test technique aboutira-t-il à une rupture ou à une correction?
Entourons en rouge la date de mercredi, qui marquera la dernière réunion de politique de l’année de la banque centrale américaine (la Fed). Les attentes sont plus divergentes que d’habitude: contrairement à la BCE, la Fed a dernièrement préféré cacher son jeu. Le procès-verbal de la réunion de novembre laisse cependant supposer que la politique d’achats d’obligations (assouplissement quantitatif) pourrait être plus clairement associée à certains objectifs (“forward guidance”). C’est déjà le cas depuis plus longtemps pour la politique monétaire: les taux bas actuels resteront en vigueur jusqu’à ce que l’emploi maximal soit atteint et jusqu’à ce que l’inflation dépasse l’objectif symétrique de 2%. Dans une séquence de politique monétaire “normale”, les banques centrales réduisent généralement d’abord les mesures exceptionnelles avant d’ajuster les instruments conventionnels. Dans cette logique, la Fed attendra au moins de voir une évolution nette vers le double objectif précité avant de renoncer à l’assouplissement quantitatif. Cela laisse en tout cas présager un timing considérablement plus long que les “mois à venir” actuellement indiqués dans le communiqué… Et pour le rythme des achats, qui est actuellement de 120 milliards USD/mois? En théorie, décembre est le mois de la dernière chance pour passer à un régime supérieur. En effet, les nouvelles prévisions de croissance et d’inflation seront probablement revues à la baisse mercredi pour fin 2020 et 2021 en raison de la troisième vague de coronavirus, la plus forte jusqu’à présent, qui touche les États-Unis. Avec l’immunité de masse attendue aux États-Unis en 2021 et de meilleures perspectives pour 2022, un nouvel assouplissement quantitatif se justifiera plus difficilement à partir de l’année prochaine. Pourtant, la Fed n’émet que peu ou pas de signaux en ce sens. Une solution intermédiaire élégante consisterait à prolonger la durée moyenne du portefeuille (qui est actuellement d’environ sept ans).
Le communiqué de politique et le président de la Fed Powell lui-même adopteront sans doute un ton prudent lors de la conférence de presse. L’attention se portera sur la douleur économique à court terme. La bonne nouvelle des vaccins ne compense pas (encore) la perte de dynamisme, comme l’illustrent les payrolls décevants, la forte hausse des demandes de chômage hebdomadaires et les diverses séries de données à haute fréquence. Powell n’aura pas omis le fait que de plus en plus d’états américains réinstaurent des mesures de confinement.
Dans l’ensemble, nous prévoyons donc un message accommodant de la Fed, tant au niveau des chiffres que de la rhétorique. Il n’y a guère de marge de manœuvre pour des interventions qui pourraient aider le dollar américain à s’extraire de son marasme. La variante pondérée des échanges commerciaux se rapproche de son plancher annuel absolu (90,476). Une rupture à la baisse ouvrirait la voie à une chute sous 90 dans le canal de tendance baissier. L’EUR/USD pourrait alors peu à peu se remettre à rêver à son sommet de 2018 aux alentours de 1,25.