Emballement de la livre et nouveau recul du dollar
Depuis début novembre, nous nous sommes déjà largement penchés sur le nouveau narratif des marchés. Les avancées de Pfizer dans le développement de son vaccin a permis de mettre un terme au cercle vicieux du Covid en ravivant l'espoir d'une immunité collective. Nous avons aujourd'hui l'impression que d'autres thèmes sont en train de prendre à nouveau de l'importance. Si la mort de Maradona a fait la une des journaux, ceux-ci commencent à nouveau à varier les sujets. Le Brexit fait notamment partie des sujets qui devraient revenir sous les feux de la rampe ces prochains jours.
Après un intermède numérique forcé dû aux mesures de confinement, le négociateur en chef de l'UE, Michel Barnier, et son équipe se rendent à nouveau en personne à Londres aujourd'hui pour poursuivre les discussions sur le Brexit. On peut d'ores et déjà s'attendre à ce que les parties achoppent à nouveau sur les mêmes thèmes: la pêche, les valeurs et normes communes et la compétence pour régler les différends. Quel miracle faut-il attendre pour qu'un accord commercial soit trouvé? Cela fait déjà longtemps que nous ne nous hasardons plus à faire des prévisions à propos d'une éventuelle date butoir définitive. Ce qui est sûr, c'est que le commerce entre le Royaume-Uni et l'UE sera régi par les règles moins favorables de l'OMC si aucun accord n'est ratifié d'ici la fin de l'année. Il reste donc 35 jours, week-ends inclus.
Au 10 de Downing Street, les responsables politiques ne semblent donc pas encore pressés, bien que le Bureau britannique pour la responsabilité budgétaire ait déclaré plus tôt cette semaine que l'économie britannique ne se relèverait pas de la crise du coronavirus avant fin 2023 en cas de "no deal". Les prévisions de croissance actuelles sont déjà moins encourageantes, avec une contraction du PIB de 11,3% cette année et une maigre reprise de 5,5% en 2021. Le taux de chômage au Royaume-Uni culminerait à 8,3 % en cas d'absence d'accord, au lieu de 7,5% dans le scénario de base. Ce tableau peu réjouissant a permis d'éviter une rupture du niveau de support de EUR/GBP 0,8864. Voir Naples et puis mourir. Nous continuons de penser que le cours devrait se situer au-dessus de 0,90.
Si la livre souffre de folie des grandeurs, le dollar souffre quant à lui du syndrome de la grenouille bouillie depuis quelques jours. Le billet vert se dirige vers les plus bas de l'année, mais personne ne réagit. Happy Thanksgiving everyone! Cela fait deux jours que le cours EUR/USD cote au-dessus de 1,19, mais ce mouvement est perdu dans la masse. La paire de devises ne peut pas résister à l'appel de 1,2011, le plus haut de la reprise. La marge jusqu'au plancher de l'année est encore plus restreinte pour le dollar pondéré des échanges commerciaux (DXY). Celui-ci cote en dessous de 92, contre un plus bas de 91,5 en septembre. S.O.S! En fond se dessine timidement la combinaison mortelle d'un taux réel américain culminant et d'une hausse des prévisions d'inflation. La prochaine réunion de la BCE, avec un assouplissement supplémentaire, permettra peut-être encore de canaliser l'euro, même si l'on sent que la BCE comptera ensuite sur une année 2021 libérée du coronavirus.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC