UE Next Gen prend du retard à cause d'un veto
Le budget à long terme (2021-2027) européen était soumis à l'approbation du Conseil européen hier. Un accord plus important que jamais, vu qu'à ce budget de 1 050 milliards d'euros est adossé le fonds de relance européen de 750 milliards d'euros. Ce fonds a vu le jour en juillet après d'intenses négociations au cours desquelles il a surtout fallu convaincre les pays dits "frugaux", parmi lesquels les Pays-Bas. À l'époque, il était déjà clair que la mise en place de l'instrument Next Generation EU n'aurait rien d'une sinécure. Nous en avons eu la preuve hier. Dommage, car le plan de relance constitue un jalon important dans l'histoire européenne.
La pierre d'achoppement réside dans le mécanisme lié à la répartition de cette grande enveloppe de 1 800 milliards d'euros. En mai 2018, la Commission européenne avait déjà proposé de conditionner l'attribution des fonds au respect de l'État de droit. Et ce, dans un contexte où des pays comme la Hongrie et la Pologne ne cessaient, entre autres, de porter des coups à leur système judiciaire. Les deux pays sont des bénéficiaires nets des fonds européens. S'ils ne respectent pas les principes fondamentaux de l'Europe tels que la séparation des pouvoirs, l'accès à ces fonds devrait pouvoir leur être refusé. Voilà pour la théorie. Il aura fallu attendre le début de ce mois pour que le Parlement européen donne son accord à ce principe. Le Conseil européen l'a également fait hier, à une majorité qualifiée, la Hongrie et la Pologne ayant voté contre. Pour la décision relative aux ressources propres, qui permet à la Commission de lever les moyens du plan de relance et qui doit être approuvée à l'unanimité, les deux pays ont en revanche fait usage de leur droit de veto.
Les diplomates européens parlent d'une véritable impasse. Les options de sortie sont limitées. Soit la Hongrie et la Pologne rentrent dans le rang, soit c'est le reste de l'Europe qui plie. Quoi qu'il en soit, la décision relative aux ressources propres devra encore ensuite être ratifiée par tous les parlements nationaux. Quel que soit le résultat, la probabilité d'un “njet” - que ce soit aux parlements de Hongrie et de Pologne, ou ailleurs (la Finlande est, par exemple, une fervente partisane de conditions strictes) - est réelle.
La Hongrie et la Pologne mettent tout leur poids dans la bataille. Outre le fonds de relance, les deux pays menacent en effet aussi d'opposer leur veto au budget proprement dit. C'est tout ou rien. Sans accord budgétaire d'ici la fin de l'année, l'UE se trouvera dans une situation de "shutdown" partiel. Elle ne versera alors plus que les traitements, certaines subventions agricoles et l'aide humanitaire.
Les coups de poker (de bluff?) politiques sont particulièrement regrettables, et pas seulement d'un point de vue symbolique. L'Europe est actuellement confrontée à une deuxième vague de coronavirus (avec l'Europe centrale parmi les principaux foyers) et une récession à double creux. Idéalement, elle aura donc besoin d'un budget et du fonds de relance, de préférence le plus rapidement possible. L'Europe finira sans aucun doute par trouver un compromis à la dernière minute. Mais cela ne rattrapera pas le retard inutilement accumulé avec l'UE Next Generation. Par ailleurs, en tant que bénéficiaires nets des fonds européens, la Hongrie et la Pologne jouent un jeu dangereux d'un point de vue économique. Sur les marchés financiers (des changes), nous constatons déjà aujourd'hui sans surprise que le forint hongrois et le zloty polonais sont à la traîne. Le cours EUR/HUF (361,3) se rapproche à nouveau d'une importante zone de résistance proche de 362. Pour la paire EUR/PLN (4,496), la référence technique est 4,50.