Taux australiens totalement sous l'emprise de la RBA?
Philip Lowe, le président de la banque centrale australienne (RBA), a créé la surprise ce matin. Lors d'un entretien avec la presse, il a constaté que les taux à long terme australiens faisaient partie des plus élevés au monde. Précision : ce taux "élevé" se situe, par exemple, à 0,75% sur une échéance à 10 ans. Ce constat ne pose en soi aucun problème. Le message prend cependant une autre dimension si on le place dans un contexte où la RBA est toujours en mode assouplissement.
Lowe et ses collègues vont sans nul doute encore assouplir leur politique lors de l'une de leurs dernières réunions de politique de cette année. En Australie, l'une des principales préoccupations concerne la situation sur le marché du travail. Les chiffres de l'emploi publiés ce matin montrent que 29 500 postes, pour la plupart à temps plein, ont à nouveau été supprimés en septembre. La reprise de l'été est donc terminée. Le taux de chômage a encore progressé, à 6,9%. Et le Trésor australien table sur un pic d'environ 8%, ce qui serait le niveau le plus élevé enregistré depuis le milieu des années 90. C'est surtout la situation dans le grand État de Victoria – qui est entré en confinement pour la deuxième fois - qui reste précaire.
Une réduction de taux de 0,25% à 0,1% était jusqu'à présent la piste la plus probable en termes de nouvel assouplissement monétaire. Complétée ou non par un abaissement du plafond pour le taux à 3 ans australien. En achetant des obligations (QE), la RBA empêche le taux à 3 ans de dépasser 0,25%. Cela permet à la banque de renforcer sa promesse de ne pas relever le taux directeur dans les années à venir. La remarque de Lowe au sujet du taux à 10 ans “élevé" alimente les spéculations selon lesquelles la RBA voudrait à nouveau intervenir sur les échéances plus longues. Peut-être même en instaurant un plafond implicite, ce qui complèterait son modèle de contrôle de la courbe.
Une extension du programme QE est donc sur la table. Lowe a néanmoins tenu à nuancer en affirmant que les avantages et les inconvénients étaient pour le moment évalués. Il se pose clairement la question de savoir dans quelle mesure des taux à long terme plus bas peuvent contribuer à un renforcement de l'emploi. La réponse réside peut-être dans le rôle de soutien de la banque centrale. Tout le monde s'accorde à dire que la réponse monétaire n'est pas la meilleure pour lutter contre les conséquences économiques de la crise du coronavirus. Par ailleurs, personne ne voit actuellement d'inconvénient à ce que les pouvoirs publics lâchent la bride budgétaire afin d'éviter une dépression. La banque centrale peut, par le biais de programmes monétaires tels que les achats d'obligations, aider à réduire le coût fiscal.
Le marché des taux australien a logiquement réagi suite aux commentaires de Lowe. Les taux ont perdu jusqu'à 7 points de base (10 ans) et la courbe s'est aplatie. Le dollar australien s'est replié. Le cours AUD/USD est passé de 0,7170 à 0,7070. Le momentum haussier de la paire de devises avait déjà été rompu à la fin du mois dernier. Outre la faiblesse du dollar australien, la vigueur du dollar américain pèse également dans la balance dans l'environnement actuel d'aversion pour le risque sur les marchés. AUD/USD 0,70 constitue un important niveau de support. Une rupture sous ce seuil ouvrirait la voie vers la partie supérieure de 0,66.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC