Triste record pour l'administration Trump
Les États-Unis ont battu un nouveau record le week-end dernier. Depuis vendredi soir, l'administration Trump a à son actif le plus long "shutdown" de l'histoire. Le compteur affiche en ce moment 24 jours. Bill Clinton était jusqu'ici le détenteur de ce triste titre, avec un "shutdown" de 21 jours. L'épisode remonte à décembre 1995 et janvier 1996, lorsque Clinton avait refusé d'approuver une loi budgétaire républicaine qui sabrait impitoyablement dans les couvertures de sécurité sociale. La crise actuelle trouve son origine dans l'une des promesses électorales de Donald Trump. L'actuel président avait en effet promis à ses électeurs la construction d'un mur (complet) à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, qui serait idéalement financé par le Mexique lui-même. Trump a dans l'intervalle cédé sur le second volet de cette promesse, et c'est là que le bât blesse.
C'est donc aux États-Unis de financer le mur de Trump. Le président demande pour ce faire 5,7 milliards de dollars. Une bagatelle à côté du déficit attendu de 1.000 milliards de dollars (2019), mais une dépense inacceptable pour la Chambre des Représentants, depuis peu dominée par les Démocrates. À son tour, Donald Trump refuse de ratifier quelque loi budgétaire que ce soit aussi longtemps que le financement de son mur ne lui est pas accordé. Les conséquences de cette impasse politique et budgétaire sont d'ores et déjà clairement perceptibles. Quelque 800.000 fonctionnaires n'ont pas perçu leur traitement vendredi dernier. Neuf services publics fédéraux, dont la Securities and Exchange Commission (l'autorité en charge du contrôle des bourses américaines) et le Ministère du Commerce, sont à sec. Les conséquences pour les entreprises et les investisseurs ne sont pas des moindres. Les introductions en bourse et la publication des statistiques économiques (notamment les données du marché immobilier, les balances commerciales et les ventes au détail) sont différées. La situation cause aussi aux États-Unis un préjudice de réputation non négligeable. L'agence de notation Fitch a d'ores et déjà lancé un coup de semonce mercredi dernier. Elle redoute en effet que le "shutdown" actuel soit le présage de ce qui attend le pays lors des prochaines négociations sur le plafond de la dette, qui va bientôt devoir être relevé. Fitch se demande ouvertement si le pays mérite encore dans ces conditions son rating AAA.
Le conflit semble encore bien loin d'une solution. Les Démocrates se refusent à toute concession aussi longtemps que la fermeture des services publics perdure. Lindsey Graham, un sénateur républicain proche de Donald Trump, a donc plaidé hier en faveur d'une réouverture temporaire des services publics. Rien ne garantit toutefois que Trump réponde à cet appel, loin de là. Le président dispose en effet encore d'un atout de taille: la possibilité de décréter l'état d'urgence. Il peut en effet le faire par décret, sans l'approbation du Congrès, et affecter ainsi une partie du budget de la Défense à la construction du mur. Cette option nucléaire pourrait plonger les États-Unis dans une crise politico-juridique et créerait par ailleurs un dangereux précédent.
Dans le passé, un "shutdown" avait généralement une influence limitée sur les taux d'intérêt américains, et avait même plutôt tendance à les faire baisser. Faut-il s'attendre à un scénario différent cette fois-ci? La récente évolution des taux d'intérêt le laisse à première vue présager. La répartition des risques est en effet différente aujourd'hui. L'impasse politique persistante, l'option nucléaire évoquée par Donald Trump et la (menace de) révision à la baisse de la note de solvabilité du pays pourraient faire augmenter la prime de risque américaine. Dans le contexte de la normalisation de la politique monétaire et des déficits budgétaires en hausse, il pourrait à (moyen) terme en découler une pression à la hausse sur les taux d'intérêt américains.