Brexit: peu de lumière au bout du tunnel
Le week-end dernier, les États-Unis et la Chine devaient se retrouver autour de la table de discussion. Le marché attendait cette réunion avec impatience, car les tensions entre les deux parties se sont fortement accrues ces dernières semaines. À l’ordre du jour: l’accord commercial conclu il y a maintenant six mois et la question politiquement sensible du yuan. En outre, la Chine souhaitait recevoir des explications quant aux actions récemment entreprises par les États-Unis contre certains de ses fleurons technologiques nationaux – un point qui ne figurait pas officiellement à l’ordre du jour. Cependant, la réunion a été annulée vendredi à la dernière minute et jusqu’à nouvel ordre. La véritable raison n’est pas claire. “Problème de planning”, entend-on. C’est assez vague et faute d’une nouvelle date prévue, c’est un signal potentiellement négatif. Quoi qu’il en soit, ce report a remis un autre processus sous les feux des projecteurs, à savoir le Brexit.
Le négociateur européen Barnier et son homologue britannique Frost entameront demain un nouveau round de négociations. Ces derniers mois, le débat avait été quelque peu relégué à l’arrière-plan. Il y avait peu de choses à en dire, même si les discussions sont passées à la vitesse supérieure au cours de l’été. Au niveau de certains des principaux obstacles, la concurrence loyale (“level playing field”) et la pêche (surtout un dossier symbolique), les négociateurs ont à peine progressé. En résumé, les règles britanniques devront dans une certaine mesure être adaptées aux règles européennes. Mais le Royaume-Uni ne l’entend pas de cette oreille, car cela irait à l’encontre de l’essence même du “Brexit”. Pour l’instant, les deux blocs dérogent à peine à leurs lignes rouges. L’UE a encore fait monter les enchères ce matin: à la suite d’une modification de la réglementation européenne, elle ne peut pas garantir que les banques britanniques auront accès comme avant au marché européen après la période de transition qui expirera à la fin de l’année. Bien que le secteur financier soit en soi indépendant des négociations, le message contribue sans aucun doute au ressentiment britannique. Les chances de réussite de ce sixième round sont limitées. Néanmoins, Frost ambitionne un accord en septembre, un timing qui laisserait encore assez de temps aux entreprises britanniques pour s’adapter à la nouvelle réalité. Idéalement, l’Europe souhaiterait aussi aboutir à un accord autour de cette période. En effet, la ratification par les 27 États membres restants est un processus complexe et de longue durée qui prendra facilement quelques mois.
Quant à la livre, la réapparition des incertitudes liées au Brexit n’est évidemment pas une bonne chose. L’impressionnante remontée de la monnaie britannique après la chute tout aussi spectaculaire due à la pandémie (0,95 EUR/GBP) a tourné court aux alentours de 0,87. Dans le prolongement du mouvement entamé début mai, la devise a désormais perdu près de la moitié de ses gains et depuis l’été, le cours EUR/GBP fluctue de manière erratique dans une fourchette de négociation latérale de 0,90/92. Il nous semble que la partie inférieure surtout est bien protégée. Outre les négociations du Brexit qui s’éternisent, la banque centrale britannique porte une part de responsabilité. De fait, contrairement à la Fed, elle refuse pour l’instant d’exclure formellement des taux plus bas (en territoire négatif).