Le dollar australien tient bon
Le dollar australien est souvent considéré comme un bon indicateur du sentiment vis-à-vis du risque à travers le monde. C'est toujours vrai en cette période de coronavirus. Après un net recul au milieu du mois de mars, le dollar Aussie s'est particulièrement bien distingué au niveau des devises de taille plus modeste. La banque centrale australienne (Reserve Bank of Australia ou RBA) a décidé de sa politique aujourd'hui. L'occasion pour nous de faire le point.
Comme prévu, la Reserve Bank of Australia a maintenu son taux directeur à 0,25%. Elle s'est également lancée dans des achats d'obligations, mais avec une approche légèrement plus prudente que, par exemple, la BCE ou la Fed. Au lieu de procéder à des rachats "illimités", la RBA tente via son programme de maintenir le taux des obligations d'État à 3 ans autour de 0,25%. En termes techniques, la banque centrale effectue ce que l'on appelle un contrôle de la courbe. Elle a jusqu'à présent racheté pour environ 50 milliards de dollars australiens d'obligations, mais elle a déjà pu réduire le rythme de ses achats. Sa parole paraît suffisamment crédible, ce qui lui permet de ne pas intervenir de trop. Pour faire court, on pourrait parler d'un "QE light". Le gouverneur, Philip Lowe, a néanmoins indiqué que la banque pourrait intensifier ses efforts si cela s'avérait nécessaire. Quoiqu'il en soit, le taux directeur ne sera pas relevé tant que l'inflation ne se sera pas de nouveau établie durablement dans la fourchette cible de 2%-3% et que le marché du travail n'évoluera pas vers une situation de plein emploi. Ce n'est donc pas pour demain.
Avec 6.800 cas confirmés et 96 décès, le bilan humain de la pandémie est nettement moins lourd en Australie qu'en Europe ou aux États-Unis. Mais les répercussions économiques des mesures de restriction prises pour endiguer la propagation du virus demeurent néanmoins importantes. Dans son scénario de base, la RBA s'attend à une chute de l'activité de 10% au premier semestre et à une contraction de l'économie de 6% sur l'ensemble de l'année 2020. Le chômage pourrait quant à lui grimper jusqu'à 10% cette année et devrait encore s'élever à 7% à la fin de l'année prochaine. La RBA suggère de réduire éventuellement le nombre d'heures de travail afin de permettre à plus de personnes de garder leur poste en attendant que la situation s'améliore. Malgré un impact relativement moins important que dans d'autres régions, le gouvernement a tout de même mis en œuvre des mesures de soutien d'une valeur équivalant à 16,4% du PIB, sous la forme de dépenses directes, mais également de garanties pour les crédits aux entreprises, entre autres. Les autorités australiennes n'ont donc pas non plus lésiné sur les moyens. Le pays disposait de suffisamment de marge budgétaire pour cela. Noté AAA, il affichait encore un excédent budgétaire avant la crise.
Les effets du coronavirus sont et restent extrêmement difficiles à
prévoir. Mais l'Australie pourrait s'en sortir relativement bien, ce qui
devrait aussi profiter à l'économie. En outre, la Chine, le
principal consommateur des matières premières et autres produits d'exportation
australiens, se trouvent à un stade plus avancé de la reprise post-corona.
Comme toutes les autres petites devises, le dollar australien a également
fortement dévissé au moment où les tensions étaient à leur comble sur les
marchés à la mi-mars, mais il a déjà depuis récupéré une grande partie de ses
pertes. Le dollar Aussie pourrait de nouveau se retrouver sous pression en cas
de nouvelles poussées du sentiment "risk-off".Nous pensons cependant
que, sauf imprévu lié au covid-19, la devise australienne devrait profiter d'un
bon effet de base et des solides mesures de soutien qui ont été prises pour
continuer à "surperformer" sur une base relative. Le dollar australien devrait s'apprécier à un rythme plus lent, mais
pourrait évoluer selon un schéma "buy on dips" (acheter en zone
basse), vis-à-vis tant du dollar US que de l'euro.