Un rallye fragile?
Le rallye de Pâques a connu un premier raté hier. Nous avions déjà insisté sur la fragilité du récent rebond des cours étant donné la forte diminution des volumes. Hier, les bourses européennes ont perdu jusqu'à 4%. Aux États-Unis, les dégâts ont été limités à -2%. Les nouvelles autour du coronavirus demeurent globalement négatives. Hors de question pour nous de nous accrocher aveuglément à l'espoir d'une reprise de l'économie américaine à partir du 1er mai. Donald Trump y croit dur comme fer, mais il est sur ce point catégoriquement contredit par le "Marius Gilbert américain", Anhony Fauci. Les autorités locales ont d'ores et déjà indiqué qu'elles se réserveraient le droit d'implémenter ou non les directives du président. En Europe, les plans de déconfinement n'en sont encore qu'à leurs premiers balbutiements. Il est donc encore trop tôt pour crier victoire. Certains événements nous l'ont d'ailleurs encore rappelé ces derniers jours.
Commençons par le cas des grandes banques américaines. Sans surprise, celles-ci ont démarré la saison des publications sur un mode mineur. Les résultats souffrent surtout de la forte augmentation des provisions pour les éventuelles pertes (sur crédits). Aux États-Unis, les PME sont de plus en plus nombreuses à tirer le signal d'alarme. Le fonds de 350 milliards de dollars qui vient d'être mis en place pour prendre en charge pendant 10 semaines les charges salariales des entreprises afin d'éviter les licenciements a, en quelques semaines, déjà été entièrement utilisé. Face à l'immensité de la demande (des besoins), le gouvernement souhaiterait offrir une rallonge de 250 milliards. Mais sa proposition est pour le moment bloquée au Sénat, où les démocrates posent leurs propres conditions. Pendant ce temps, les chiffres de l'économie américaine connaissent des baisses sans précédent. Les ventes au détail ont ainsi enregistré une chute record de 8,7% sur une base mensuelle en mars. Les détails montrent, par exemple, que les magasins de vêtements (-50,5%) et les restaurants et cafés (-26,5%) sont particulièrement touchés. Les chiffres de la production industrielle ne sont guère plus encourageants, avec un recul de 5,4% en glissement mensuel. En outre, il faut bien se rendre compte que les effets de la pandémie ne se feront pleinement ressentir qu'à partir du mois d'avril. Hier, la baisse du principal indicateur de confiance de la région de New York a déjà donné un avant-goût de ce à quoi on peut s'attendre.
Le FMI vient de servir aux marchés un amuse-gueule pour le moins indigeste. Les nouvelles prévisions de croissance semblent directement sorties d'un roman de Stephen King. La croissance mondiale de 3% qui était encore prévue pour 2020 au mois de mars a été transformée en une contraction de 3%. Et les scénarios alternatifs sont tous encore plus déprimants. Une annexe particulièrement intéressante du rapport sur l'évolution attendue des finances publiques indique que des déficits publics d'environ 10% du PIB feront grimper le taux d'endettement moyen des économies développées de plus de 15%. Pour les États-Unis, cela signifie une dette de 131% du PIB. Pour la zone euro, le FMI s'attend à une hausse de 84,1% à 97,4%, soit plus que le pic qui avait été atteint suite à la crise des dettes européennes en 2014 (92,8%). Au niveau national, l'Espagne (113,4%), la France (115,4%) et l'Italie (155,5%) dépassent allègrement cette moyenne. Cette explosion des dettes, qui s'ajoute à l'accord décevant de l'Eurogroupe conclu jeudi passé, explique pourquoi les primes de risque de crédit vis-à-vis de l'Allemagne sont reparties à la hausse, malgré les mesures prises par la BCE pour soutenir les cours obligataires. Cela explique aussi pourquoi l'euro a manqué de vigueur face à un dollar plus faible ces derniers jours.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC