L’espoir (permis?) d’un accord pétrolier
Le Covid-19 a été l’étincelle qui a allumé un feu de panique sur les marchés. Peu à peu, la crise a eu un effet domino avec de profondes conséquences économiques et financières. Les secteurs du tourisme et de l’horeca ont été les premiers touchés. Bientôt, d’autres industries – comme l’industrie automobile – ont succombé à leur tour. Le marché pétrolier a notamment subi un véritable coup de massue: la contraction de la demande due à la crise du coronavirus a fait s’effondrer le cours du pétrole. Mais comme on dit, un malheur n’arrive jamais seul… Comme si ce n’était pas suffisant, une partie de poker politique s’est engagée entre l’OPEP et les alliés du cartel pétrolier, dont la Russie (OPEP+). L’OPEP devait décider dans quelle mesure limiter l’offre excédentaire pour soutenir le cours. La crise du coronavirus a rendu cette question d’autant plus pressante et complexe. Or après avoir échoué à convaincre Moscou de la nécessité d’une réduction supplémentaire de la production, l’Arabie Saoudite a changé son fusil d’épaule: le géant pétrolier a ouvert grand les vannes et a inondé le marché. Guidée par son propre agenda politique, la Russie s’est montrée inflexible. En faisant chuter les prix du pétrole, Moscou espérait en effet donner du fil à retordre au secteur du gaz de schiste américain, fortement endetté et dont les coûts de production sont plus élevés. Ce fut le début d’une guerre des prix féroce. L’Arabie Saoudite a remué le couteau dans la plaie en vendant du pétrole au rabais; ce cocktail toxique – la chute de la demande et l’explosion de l’offre – a fait plonger les cours à un niveau historique. Le prix du baril de Brent est tombé à 24,52 USD, du jamais vu depuis 2002! À première vue, un choc de l’offre positif est favorable aux pays importateurs: pensez à la Chine, qui s’est livrée à un approvisionnement stratégique de ses réserves à bas prix la semaine dernière. Cependant, via un jeu de liens financiers et économiques, le plongeon de l’or noir a engendré de vives incertitudes et un malaise généralisé. De nombreuses entreprises – outre le secteur de l’énergie – ont des rapports directs ou indirects avec le secteur pétrolier. Elles sont maintenant doublement pénalisées.
La lumière au bout du tunnel?
La semaine dernière, il y a eu une lueur d’espoir après que le président américain Trump a fait savoir via son canal de communication favori que les Saoudiens et les Russes préparaient un accord pour mettre fin à la chute brutale du cours. Trump s’est entretenu par téléphone avec le prince héritier saoudien MBS, qui s’est à son tour concerté avec le président russe Poutine. Trump s’attend à présent à ce que les deux pays réduisent la production de pétrole d’environ 10 millions de barils par jour – et peut-être même beaucoup plus!
Un seul tweet aura suffi à rendre le moral aux investisseurs. Les cours du baril de Brent et du pétrole WTI américain ont repris quelque 30%, atteignant respectivement 36,29 et 27,39 USD. Riyad a appelé à une réunion d’urgence de l’OPEP+ pour conclure un accord équitable afin de limiter la production. Prévue pour aujourd’hui, cette réunion au sommet a toutefois été reportée à jeudi, si bien que le cours du pétrole est à présent retombé à 30 USD par baril (de Brent). Les géants pétroliers et les investisseurs croisent les doigts pour que les Saoudiens et les Russes s’entendent cette semaine pour cesser de gaver le monde de pétrole. Mais les grandes puissances parviendront-elles à mettre de côté leurs querelles? L’on peut aussi se demander dans quelle mesure les différents producteurs seront prêts à participer à l’effort, quel sera le rôle des États-Unis – d’autant que Trump brandit la menace de taxes à l’importation “substantielles” sur le pétrole pour protéger le secteur de l’énergie américain – et quelles seront les exigences de la Russie. Autant de questions auxquelles l’on espère avoir une réponse jeudi…