Orban s'octroie les pleins pouvoirs
La paire EUR/HUF frôle de nouveau le niveau de 360 , le cours le plus élevé jamais enregistré. Les récents mouvements s'expliquent en grande partie par la faiblesse de la monnaie hongroise, et cela devrait encore continuer. Le recul du forint a eu lieu suite à un nouveau coup de force du premier ministre hongrois, Viktor Orban. Le parti d'"Orbanator" (le Fidesz) a profité de sa majorité des deux tiers au parlement pour mettre ce dernier hors jeu et attribuer les pleins pouvoirs au premier ministre pour une durée illimitée. La Hongrie est donc aujourd'hui dirigée par un seul homme. En théorie, la Cour constitutionnelle est encore en mesure de s'opposer aux décisions d'Orban, mais tout le monde sait que la plus haute juridiction du pays est également sous son contrôle. En plus de la dépréciation du forint, les investisseurs se sont également débarrassés de leurs actifs hongrois. Conséquence, les notations Baa3/BBB du pays (juste au-dessus de la catégorie spéculative) sont aujourd'hui dans le viseur. Le spectre d'une fuite des capitaux internationaux est bel et bien présent. Les taux hongrois ont grimpé d'environ 15 points de base.
La loi d'urgence a officiellement été votée afin de lutter contre les conséquences de la pandémie du coronavirus. Officieusement, Orban s'octroie les pleins pouvoirs à un moment où l'Europe est concentrée sur ses propres problèmes. Le dirigeant hongrois prend ainsi exemple sur ses homologues en Russie, en Chine et en Turquie. Le précédent hongrois est le prolongement d'une tendance que l'on observe déjà depuis quelques années et qui menace aujourd'hui de s'accélérer: le retour aux États-nations. La crise du coronavirus témoigne entre autres d'une résurgence d'un sentiment anti-européen dans les pays du Sud et de l'Ouest, où le manque de solidarité est vivement critiqué. Les pays du Nord pointent quant à eux le laxisme budgétaire et l'incapacité ou le manque de volonté à mener des réformes structurelles. Un difficile compromis permettrait de sortir de l'impasse.
La prise de pouvoir d'Orban pourrait avoir des conséquences sur l'"indépendance" de la banque centrale. Contrairement à ses consœurs d'Europe centrale, cette dernière a décidé, la semaine passée, de laisser ses principaux taux inchangés (0,9% pour le taux directeur et -0,05% pour le taux de dépôt). La banque n'a pas non plus fait mention d'un programme d'achats d'actifs directs. La MNB soutient néanmoins l'économie via la suppression des réserves obligatoires des banques et la mise à disposition de liquidités à hauteur de plus ou moins 20% du PIB hongrois (environ 27 milliards d'euros) à des conditions intéressantes. La manière dont les établissements financiers utilisent ces fonds (durées de 3 mois à 5 ans) n'est pas déterminante.
Nouvel assouplissement de la CNB
La banque centrale tchèque (CNB) s'est également réunie. Celle-ci a de nouveau réduit son taux directeur de 75 points de base à 1% et a laissé entendre qu'elle pourrait encore l'abaisser. Aucun achat d'obligations n'a pour le moment encore été officiellement annoncé. La semaine passée, la ministre des Finances tchèque a déclaré qu'elle avait trouvé un accord à ce sujet avec le président de la CNB, Jiri Rusnok. Le parlement devra toutefois d'abord approuver les modifications de loi nécessaires. Ce matin, Rusnok a déjà précisé que l'éventuel programme d'achat de la banque centrale ne ressemblerait en rien au bazooka de la BCE. Mais aucun détail n'a donc encore filtré. Le gouverneur de la CNB a aussi expliqué que la banque n'était jusqu'à présent pas encore intervenue pour ralentir/inverser un affaiblissement incontrôlé de la couronne. Le cours EUR/CZK oscille entre 27 et 28 depuis la mi-mars.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC