Bye Bye Carney
Analyste, un métier ingrat.
7/11/2019: deux des neuf membres du comité de la banque centrale d'Angleterre (BoE) votent en faveur d'une baisse de taux directe de 25 points de base.
19/12/2019: Andy Haldane, économiste en chef de la BoE, et Jonathan Haskel constatent un nouveau recul des chiffres de l'économie britannique et campent sur leur position. Ils plaident à nouveau pour un taux directeur à 0,5%, au lieu de 0,75%. En vain. 7-2.
09/01/2020: le président de la BoE, Mark Carney, crée la surprise à l'approche de la dernière réunion de politique sous sa direction. "Du point de vue des risques, les arguments plaident de plus en plus en faveur d'une baisse de taux, surtout si les chiffres économiques restent faibles." 6-3?
10/01/2020: Silvana Tenreyro, autre membre du Comité de politique monétaire, suit l'exemple de Carney. À moins d'une forte amélioration des chiffres, elle se dit plutôt favorable à un nouvel assouplissement de la politique monétaire. 5-4?!
12/01/2020: Gertjan Vlieghe sent son moment de gloire arriver et déclare dans un entretien au Financial Times qu'il votera en faveur d'une baisse de taux en fin janvier, à moins d'un renversement soudain et significatif des chiffres de croissance britanniques. Le sort en est jeté. 4-5!
15/01/2020: les chiffres de l'inflation britannique enfoncent le clou. En décembre, l'inflation générale tombe, contre toute attente, à 1,3% en glissement annuel, alors que l'inflation de base sous-jacente passe de 1,7% à 1,4% (pourcentages en glissement annuel). Les deux mesures sont donc largement inférieures à l'objectif de 2% de la BoE. Si l'on en croit le marché des taux à court terme britanniques, la probabilité d'une baisse de taux en janvier dépasse les 70%!
24/01/2020: les PMI de confiance des entreprises britanniques créent une dernière lueur d'espoir. Tournant la page des incertitudes créées par les élections et les négociations sur le Brexit, les indicateurs font état d'une forte progression, totalement inattendue, en janvier. Serait-ce finalement possible?
31/01/2020: 7-2. (◔_◔). Bye Bye Carney.
Petit résumé. La croissance britannique a fortement ralenti l'année dernière. Les incertitudes créées par la décélération de la croissance mondiale et le Brexit ont eu pour effet de freiner les investissements et la consommation. Le ralentissement de la croissance et la diminution des prix pétroliers ont, à leur tour, poussé l'inflation britannique sous l'objectif de 2%. Depuis, des premiers signes timides de reprise ont fait leur apparition. Si l'économie se redresse, cela aura en principe aussi une influence (haussière) sur l'inflation. Mais si le rebond s'avère prématuré, la BoE décidera alors d'abaisser ses taux.
La décision de la Banque d'Angleterre a surpris les marchés britanniques. La partie courte de la courbe des taux britannique a grimpé de 10 points de base. Le cours EUR/GBP est retombé pour la première fois depuis le milieu du mois passé sous la barre de 0,84 et la livre sterling pourrait afficher une vigueur qu'elle n'avait plus connue depuis le référendum (EUR/GBP 0,8277). La Banque d'Angleterre ne constitue plus une menace. De plus en plus d'investisseurs misent sur Boris Jonhson. Maintenant que la page du Brexit est provisoirement tournée, les yeux vont se tourner vers la politique intérieure. Durant la campagne, Jonhson avait notamment promis d'importantes mesures de relance budgétaires. Un parallèle avec les réductions d'impôts de Donald Trump pourrait ici être fait. Si, dans ce contexte, l'économie britannique parvient à progresser non seulement au même rythme mais à un rythme plus élevé que l'économie européenne, cela aura alors un impact positif sur la libre britannique à court terme.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC